CONTES DE PRINTEMPS
La promesse d’une nouvelle saison et de nouveaux élans
Dans une forêt du sud de l’Inde, une jeune fille qui ramasse une graine, se fait tancer par l’esprit de la forêt. Une chèvre sort des montagnes pour se rendre dans la jungle, où elle tente de se construire une maison avant que la mousson n’arrive. La reine des renards se languit de ne jamais recevoir de lettre d’amour, malgré celles que volent ses disciples en ville. Une jeune reine, charmée par les mélodies d’un troubadour masqué, expulse celui-ci vers la forêt lorsqu’elle découvre son visage…
C’est sans doute le segment le plus sérieux des quatre qui composent ce recueil qui en assure l’ouverture. "L’Esprit de la forêt" de Nandini Rao, Nirupa Rao et Kalp Sanghvi (Inde, 7 mn) suit un frère et une sœur (elle, a 7 ans) dans une immense forêt, dérangeant l’esprit de la forêt (incarné par une voix féminine). Reprochant à cette dernière d’avoir ramassé une graine, elle va la projeter dans l’histoire de cette forêt. Doté de personnages en 2D (les enfants, comme les animaux), sur des décors riches en détails (inspirés des marais du sud de l’Inde), peints à la main, donnant par moments l’impression de collages, le film bascule dans un dessin plus instable, aux contours multiples, lorsque s’exprime la colère de l’esprit et qu’est évoqué l’époque des volcans en activité. Animaux et plantes offrent en tous cas un festival de couleurs, pour un message sur la nécessité de prendre soin de la nature.
S’ensuit le film le plus amusant du recueil, "Colocation sauvage" d'Armelle Mercat (France, 14 mn), dessinant une entraide hors du commun, autour d’une chèvre noire sortant du gris de ses montagnes pour se construire une maison dans une clairière au beau milieu de la jungle. Les techniques de chantier de la chèvre s’avèrent ahurissantes, tandis que les manigances et déboires du duo de tigres qui cherche à s’emparer des lieux sont assez surprenants. Quant à l’animation, mêlant stylo pour les traits multiples qui ceinturent les personnages, et aquarelle sur calque pour les décors, ainsi que rhodoïds rétroéclairés, elle crée ponctuellement des ambiances magnifiques, comme un crépuscule rougeâtre, ou une nuit bleutée.
Troisième segment, "La Reine des Renards" de Marina Rosset (Suisse, 9 mn), s’avère lui le plus poétique. Mélange d’un dessin sur papier très élégant et d’animation par ordinateur, cette histoire d’amours écrits mais non dits, met en scène une reine renarde désespérant de recevoir une déclaration d’amour, et dont les sujets kidnappent une femme aux cheveux oranges pour qu’elle lui écrive une lettre. Doté d’un joli final, en forme de happy end pour aussi bien les humains qui n’osent se déclarer, que pour une une reine finalement entremetteuse, son design déstructure légèrement les bois comme les immeubles, et offre de belles transitions (les lettres qui se transforment en personnes écrivant, aux fenêtres…). Entre traits épais répétés, bandes de couleurs qui se superposent en partie, évoquant tantôt peinture, tantôt pastels grasses, le dessin est tout juste charmant, et apparaît comme un choix adéquat pour un tel conte.
Plus classique dans son animation, avec décors dessinés sur papier et personnages 2D aux formes plutôt géométriques (chevelure pour la reine, tête plate pour le troubadour…), "Mélodie des bois" de Filip Diviak (République tchèque, 15 mn) termine le recueil en beauté. Cette histoire où le talent l’emporte sur les apparences, met en scène un troubadour hésitant à enlever son masque, et bien mieux accepté par les animaux que par les hommes. L’idée d’un panoramique évoquant, en un seul plan, différents moments pour deux personnages (le troubadour, et un raton laveur devenu son ami), et celle de la musique guidant l’éclosion des fleurs, achèvent de faire du film un petit bijou d’espoir en l’humanité et en cette saison de renaissance qu’est le printemps.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur