MAL VIVER
Mal être
Un groupe de plusieurs femmes fait tourner un vieil hôtel près de la côte, au Nord du Portugal. Salomé, la fille de l’une d’elles, Piedade, et petite fille de Sara, débarque par surprise sur les lieux. Le contact avec sa mère semble difficile, faisant s’exprimer à demi-mots certains ressentiments…
"Mal Viver", reparti de la compétition berlinoise avec le Prix du jury, est quasiment indissociable de "Viver Mal", qui était lui présenté dans la section Encounters. Basé sur de nombreux non-dits, qui minent des relations mère-fille, ce premier opus (que l'on conseille de voir en premier), est relativement avare en dialogues, et tâche dans une première partie, de ne montrer aucun client, les personnages se contentant d'évoquer ceux-ci de manière élusive. Créant ainsi une atmosphère étrange, un peu hors du temps, qui sied particulièrement au lieu en déclin, comme aux enjeux familiaux qui se jouent ici, la première partie nous fait plonger progressivement dans le moral dépressif de Piedade. Son comportement dès la première scène, allongée sur un transat au bord de la piscine, comme si elle était une cliente, traduisait déjà sa situation en périphérie du fonctionnement de ces lieux. Des lieux qui l'obligeront à se confronter notamment à la demande d'affection de sa fille, comme à la mort du père de celle-ci.
Autour des thèmes de l'incapacité d'être mère, voire d'aimer sur la durée, et de la transmission (notamment d'angoisses existentielles), João Canijo ("11 fois Fátima", "Sangue do Meu Sangue"), qui a affiné son scénario durant près de deux ans, notamment au travers de répétitions avec ses actrices, compose un huis clos un peu opaque. Discrètement, au diapason du mal-être de Piedade, il souligne l'effacement progressif de son personnage principal (sa chemise de nuit de velours rouge, se fond bizarrement sur les rideaux de sa chambre...). Quelques plans étranges contribuent aussi à rendre le caractère fermé des lieux, comme de son mental : un couloir isolé sur le côté droit de l'écran, un escalier à la rembarde verte en plan zénithal... Et si l'on note bien, ce n'est sans doute par par hasard que la chienne qu'a égarée cette femme (formidable Anabela Moreira, vue dans "Diamantino" et "Sangue do Meu Sangue") s'appelle Alma (âme en français). Au final "Mal Viver" s'avère un huis clos intrigant, porté par un casting impecable, qui dissémine dans sa deuxième partie, quelques bribes indispensables au lien avec son film miroir : "Viver Mal".
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur