SUR L'ADAMANT
Portraits troublés
Dans un bâtiment moderne, sur une barge flottante dénommée l’Adamant, située sur la Seine du côté de Gare de Lyon, se retrouvent chaque jour des personnes souffrant de troubles psychiques. Tous sont suivis par des psychiatres et toute une équipe, dans ce centre de jour du pôle psychiatrique Paris Centre, où ont lieu tout un tas d’activités, dans un esprit d’écoute tout particulier…
L’Ours d’or du Festival de Berlin aura donc récompensé à la surprise quasi générale le séduisant documentaire de Nicolas Philibert. L’auteur de "Être et avoir" (2002) et "La Moindre des choses" (1996, tourné à la clinique psychiatrique de La Borde), n’avait pas eu une exposition médiatique de cette ampleur depuis des années. Après quelques plans sur ce lieu à part, insistant sur l’aspect à la fois ouvert et protecteur des lieux (les panneaux qui servent de brise-soleil se relèvent de manière synchronisée, conservant à l’intérieur une lumière naturelle, mais qui semble égale en tous points). Puis nous voici plongés dans une réunion qui regroupe patients et médecins, impliquant ceux qui sont ici pour être soignés, et permettant en quelques phrases d’avoir une idée des ateliers et autres activités qui nous attendent auprès d’eux : atelier dessin, ciné club, et autres. Les sujets sont discutés, mais chacun reste à sa place, tout au moins pour un temps.
Puis vient une série de portraits, par de simples échanges qui s’engagent entre l’équipe réduite du documentariste et certains patients. De tous se dégagent globalement une capacité de recul, et un décalage dans les réactions ou les réponses qui provoque souvent le sourire, quand l’humour n’est pas, ponctuellement, volontaire, comme lorsqu’un des patients mécontent de son tableau l’intitule « le pif qu’il ne fallait pas faire »). Alors que l’on s’attache peu à peu à toute cette petite troupe, les méthodes de l’équipe d’encadrants et la latitude donnée sont peu à peu mises en évidence.
Mais à la différence de l’excellent "Funambules", passé par la section Acid avant sa sortie en 2022, qui suivait trois « fous », dont deux résidant dans leur propre appartement et un hospitalisé, la part d’inquiétant s’efface ici au profit d’aspects globalement positifs. Seule réelle exception ici (si l’on exclue l’artiste, dont les certitudes liées à des personnalités connues, font forcément plutôt sourire), lorsqu’un des hommes, sur le tard, aborde son comportement lorsqu’il ne prend pas ses médicaments. Résolument orienté vers les solutions permettant à chacun de vivre en contact avec le monde et de garder une part de volonté vis-à-vis de son traitement, ce qui est un point de vue légitime, "Sur l’Adamant" en oublie cependant un peu d’exploiter le lieu hors du commun dans lequel les entretiens et activités ont lieu. La conception du lieu, qui avait fait l’objet d’échanges entre patients, soignants et architectes est ainsi complètement passée sous silence. On reste donc quelque peu sur sa faim, d’autant que la conclusion, qui souligne les difficultés potentielles de maintien du lieu, est également très peu étayée, le film ne s’attardant quasiment pas sur les problèmes de fonctionnement du lieu.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur