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THE LOST KING

Un film de Stephen Frears

Qui usurpe quoi ?

Après avoir vécu une désillusion professionnelle, Philippa Langley trouve par hasard un nouveau cheval de bataille : réhabiliter le roi Richard III et retrouver sa dépouille, perdue depuis 500 ans…

The Lost King film movie

Désormais octogénaire, le très prolifique Stephen Frears ne semble pas près d’arrêter sa carrière : "The Lost King" est son vingt-quatrième long métrage pour le cinéma (son premier est sorti en 1971) et il continue parallèlement à tourner avec un rythme équivalent pour la télévision. Sa précédente réalisation pour le grand écran remontait toutefois à 2017 avec "Confident royal".

Déjà habitué des scénarios traitant de la monarchie britannique avec les portraits de deux reines (Victoria dans "Confident royal" et Elizabeth II dans l’excellent "The Queen" dont la série "The Crown" est une émanation), Frears s’intéresse ici à un roi mal-aimé, Richard III, mais cette fois-ci de façon indirecte, à travers un récit contemporain inspiré d’une histoire vraie : le combat Philippa Langley. Cette une historienne amatrice, incarnée par Sally Hawkins, cherche en effet à retrouver la dépouille perdue de ce monarque du XVe siècle et à réhabiliter ce personnage historique face à l’image populaire notamment transmise par la célèbre pièce de Shakespeare, qui le décrit comme un être malfaisant.

Mais l’intérêt de ce film n’est pas tant dans cette relecture de l’Histoire que dans les messages modernes que transmet ce scénario au style plutôt léger. En mettant en parallèle Richard III et Philippa Langley, "The Lost King" aborde des thèmes tout à fait sérieux, notamment les procès en illégitimité (d’une part un roi longtemps considéré comme un usurpateur, d’autre part une femme qui est régulièrement méprisée en raison de son sexe, de l’absence de reconnaissance institutionnelle de ses compétences ou encore de sa maladie), mais aussi la désinformation (la propagande des Tudor qui a sali la réputation de Richard III, et l’appropriation des découvertes de Philippa par un milieu universitaire dépeint comme lâche et arrogant). Sur ce dernier point, un dialogue peut apparaître comme un pendant de la célèbre réplique de "L’Homme qui tua Liberty Valance" : « Quand la légende dépasse la réalité, on publie la légende ».

"The Lost King" n’est pas exempt de défauts. Formellement, on se sent parfois face à un téléfilm à la lumière trop lisse. Par ailleurs, la mise en scène est quelquefois pesante, par exemple dans la gestion irrégulière de l’image mentale de Philippa : les apparitions de Richard III sont évidemment une métaphore de son obsession, et non un vulgaire fantôme, mais certaines de ces scènes sont un peu gauches et l’interprétation de Harry Lloyd manque de dynamisme. D’autre part, la temporalité est peu convaincante : tout a l’air de se dérouler en quelques semaines, ce qui n’est guère crédible.

Heureusement, la réalisation peut également se montrer plus inspirée, par exemple avec les touches d’humour, qui contribuent à dynamiser un film qui aurait facilement pu être fastidieux sans cette légèreté, mais également avec son appropriation de la géographie, à travers l’usage des plans en plongée et des cartes – avec le générique de début, étonnamment très hitchcockien, puis les plans qui se superposent pour traduire à la fois la permanence de certains lieux et la transparence dont fait preuve le personnage principal par rapport aux universitaires sournois. Notons aussi cette séquence au théâtre qui agit comme un révélateur pour l’héroïne et qui peut rappeler l’évolution du personnage joué par Jean-Pierre Bacri dans "Le Goût des autres" : dans les deux cas, un individu va voir une pièce à contre-cœur et fait une rencontre inattendue qui bouleverse sa vie.

Au final, "The Lost King" est assez inspirant, faisant l’apologie de la ténacité et de la bienveillance, avec un personnage féminin qui redonne un sens à sa vie pour trouver une meilleure estime d’elle-même malgré l’adversité.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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