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PASSAGES

Un film de Ira Sachs

Tout… en même temps

Thomas, réalisateur allemand, vit en couple depuis 15 ans à Paris avec Martin, un spécialiste en lithographies travaillant dans une imprimerie. Lors de la fête de fin de tournage, il fait la connaissance d’Agathe, avec laquelle il couche dès la nuit même. De retour au petit matin dans leur appartement, Thomas voudrait parler à Martin de cette découverte, d’avoir couché avec une femme. Mais celui-ci évite la conversation, en tentant cependant d’être compréhensif…

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Ira Sachs, auteur remarqué de "Forty Shaded of Blue", n'a pas son pareil pour évoquer des histoires d’amour homosexuelles, abordant avec un certain tact leur délitement dû à différents facteurs. Après l’usure du couple dans "Keep the Lights On", le voici qui s’attaque à une relation toxique, dont l’un des personnages, Martin, est incapable de s’extirper. Pour conter cette esquisse de triangle amoureux, du fait d’un personnage dominant à l’égoïsme marqué (Thomas), il peut compter sur ses trois formidables interprètes.

L’acteur allemand à la mode, Franz Rogowski incarne toute la désinvolture du réalisateur, ménageant aussi peu ses acteurs que son entourage. L’excellent Ben Whishaw ("Le Parfum", "Lilting ou la délicatesse", "Little Joe") joue les garçons sensibles, dont le niveau de révolte n’est jamais à la hauteur des outrages subits. Et Adèle Exarchopoulos vient jouer les pièces rapportées, rapidement consciente qu’entre eux deux elle pourrait « disparaître » et ne fera pas le poids face à ce qui les unit. Vient s’ajouter aussi à ce trio, le remarquable Erwan Kepoa Falé (remarqué dans "Le Lycéen"), en écrivain que le réalisateur exècre, car il ferait potentiellement un rival sérieux (en art, comme dans l’attention qu’il porte aux autres).

Le scénario s’intéresse avant tout à l’inconséquence du personnage de Thomas, dans tout ce qui, sous des apparences d’enthousiasme (l’envie de danser, de faire la fête, de faire connaître les succès de son film...) cache des fêlures propres, un sentiment d’insécurité, voire un besoin maladif de ne pas être seul. Et c’est finalement là que se trouve sans doute le vrai sujet du film, dans le lien entre les êtres. Un lien indifférencié pour ce personnage qui fait finalement bien peu attention aux autres, plus consistant chez ceux qui le fréquentent, quand ils se laissent aller à conjuguer ses désirs, comme ici celui d'avoir un enfant. Un intéressant portrait d’un manipulateur, qui distille, comme dans de nombreux films de Ira Sachs, un certain spleen.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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