UN HOMME HEUREUX
À vouloir absolument faire du sujet une comédie… cela coince forcément
Édith est mariée depuis 40 ans à Jean, maire conservateur d’une ville du Nord de la France. Alors qu’elle pense qu’il va enfin décrocher de la politique en cédant sa place, Édith décide, au restaurant de lui annoncer qu’elle s’est en réalité toujours sentie homme et qu’il faut désormais l’appeler, Eddie. Mais ce que Jean lui a caché, c’est qu’il va se représenter aux prochaines élections…
Il existe depuis plusieurs années, et c’est une bonne chose, de nombreux films qui traitent de la transidentité, faisant exister de véritables personnages, non forcément malheureux ou harcelés pour leur différence, et donnant une place à des interprètes parfois eux-mêmes transgenres. "Un homme heureux", s’il a l’intérêt de prendre soin d’aligner tous les éléments pédagogiques nécessaires pour le « grand public » (explicitant la différence entre identité de genre et orientation sexuelle, ainsi que la notion de cisgenre - ou personne en accord avec son genre), tente malheureusement aux forceps d’aborder le sujet sous l’angle de la comédie. Et c’est là que le bât blesse, car à force de vouloir rendre ridicule le personnage du réactionnaire et manipulateur mari (Fabrice Luchini, qui en fait juste des tonnes), surlignant au marqueur ses contradictions, on en arrive à une fin dont la crédibilité frôle le zéro, tant elle est amenée rapidement, sans aucune considération psychologique concernant la rigidité pourtant si raillée jusque là de son côté.
Certes l’amour est parfois plus fort que tout, mais les convictions du personnage sont tellement fortes et affirmées comme telles dès son introduction, qu’il est juste impossible de croire en l’évolution proposée ici pour celui-ci. Ceci d’autant plus que la plupart des « gags » reposent sur son aversion à lui pour la transition de sa femme, qu’elle soit physique ou simplement vestimentaire, et sur son côté cynique de politique faisant peu de cas de l’humain (une « vieille » doit tenir jusqu’aux élections histoire de voter pour lui, son concurrent doit bien avoir une faille qu’il faudrait débusquer…). En bref, si cette tentative de toucher le grand public avec un film correctement documenté sur la transidentité part d’une bonne volonté, encore aurait-elle dû éviter de verser dans la caricature inverse (seul le personnage de Philippe Katerine, en conseiller beauf et transphobe est parfaitement crédible). Car à trop vouloir rendre les choses comiques, on atterrit finalement sur un archétype de l’homme cis avide de son propre pouvoir, et le personnage interprété par Catherine Frot passe malheureusement au second plan.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur