ASTRAKAN
Un film ambitieux mais maladroit
Samuel, 12 ans, est orphelin. Placé depuis quelques temps chez Marie et Clément, qui ont deux autres garçons, Alexis et Dimitri, il apparaît à la fois comme renfermé, mais aussi stressé, ce que son hygiène intime semble trahir au quotidien. Entre la ferme des parents de Marie, où l’attitude du frère de celle-ci semble le perturber et la maison où sa jeune voisine semble bien plus éveillée que lui, il lui faut malgré tout évoluer…
"Astrakan", du nom donné à la fourrure d’un agneau mort-né, se veut le portrait parabolique d’un orphelin, au passé qu’on devine douloureux, maltraité par sa famille d’accueil. Le sujet est forcément délicat, et appelle sans doute un cinéma moins frontal et potentiellement plus elliptique avant d’éviter tout pathos. Passé par le Festival de Locarno, en août dernier, ce premier long de David Depesseville (il a été premier assistant réalisateur pour Sophie Letourneur sur "Gaby Baby Doll" et a aussi réalisé un moyen métrage intitulé "La Dernière Plaine") s’attaque au sujet, multipliant à l’excès les ellipses, et n’évitant pas certains écueils.
Si le principe permet de créer une ambiance étrange, dans laquelle semble ne pas évoluer l’enfant, bloqué face aux gestes de tendresse, comme devant les prémisses de son propre éveil des sens, il a aussi le défaut de gâcher certaines scènes (notamment celle d’un accident, trop précipité…). Quant aux « parents », leur absence d’empathie, leur vulgarité crasse, leur violence verbale (lors de la première séance de magnétisme, ils parlent de lui comme si Samuel n’était pas dans la pièce, sans la moindre once de psychologie…) ou physique, leurs réactions qui semblent parfois à la limite de l’absurde, ils apparaissent tels des archétypes, portraits à charges de profiteurs sans conscience, que Bastien Bouillon et Jehnny Beth ont du coup bien du mal à défendre.
Heureusement, l’interprète principal, Mirko Gianinni parvient à garder au regard ce mélange d’indifférence, d’inquiétude et d’angoisse, pour nous faire croire à la distance de ce personnage qui a sans doute bien plus vécu que l’on ne l’évoque ici. Mais que penser de la cohérence de ses propres réactions au fil du film, lui qui finalement va partager sans broncher le lit de Luc, frère de la mère, dont il connaît pourtant les actions ? Si la force de suggestion du métrage amène ponctuellement quelques frissons d’effroi, notamment par l’omniprésence de questions liées à la sexualité, la fin quelque peu lyrique, appuyée par des chœurs, se perd en symbolique. Et malgré une légère pointe d’optimisme, elle en ferait presque même douter de la réalité du personnage de Samuel, réduit à l’état de parabole d’une enfance détruite par des adultes absents ou malveillants.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur