LE ROYAUME DES ÉTOILES
Indigeste
Après que leur père astronaute soit décédé dans une explosion, le petit Peter et sa sœur Anne s’installent dans leur nouvelle maison. Alors que Peter est harcelé par une bande de gamins, Anne, elle, fait la connaissance de Mister Zouzoumba, un scarabée du champ voisin, persuadé qu’ils sont les deux enfants élus qui lui permettront de se rendre enfin sur la lune. Un voyage qui lui permettrait, selon la prophétie de la Fée de la nuit, de récupérer son bras autrefois perdu, mais aussi l’arbre (un boulot) dans lequel il vivait, et même peut-être, sa compagne disparue à l’époque…
Avec "Le Royaume des étoiles", Ali Samadi Ahadi signe un nouveau film d’animation, cette fois largement distribué, après "Le Printemps de Téhéran" en 2010, documentaire disposant déjà de séquences animées, et des longs métrages d'animation à part entière tels "Pettson and Findus" en 2014 (visible sur Prime Video) puis "Le Noël de Pettson et Picpus" en 2015 (visible sur Netflix). Si les images de synthèses sont plutôt techniquement maîtrisées, il n’en va malheureusement pas de même d’une histoire alambiquée, qui part dans tous les sens, mélangeant les choux et les carottes, sous prétexte qu’on est là quelque part entre réalité et rêve. Il faudrait pour accepter cela déjà savoir qu’il s'agit là de l'adaptation du conte "Peterchens Mondfahrt" ("Petit Pierre au pays des rêves" en français), de l'allemand Gerdt von Bassewit.
[Attention Spoilers] Si les adultes ne cesseront de se poser des questions de logique minimale (le décollage soudain dans l’espace, où les gamins et autres personnages respirent sans équipements et sans problème, la composition saugrenue des fameux « esprits de la nature »...), les plus petits risquent eux aussi de n’y rien comprendre, perdus face à la multitude de personnages. Quel est donc le rapport entre la « nature » et le groupe composé du Marchand de sable, la Sorcière des éclairs, le Djinn de la pluie, le Dieu du tonnerre, et j'en passe... ??? Au fil du film, on finit par se dire que les auteurs semblent s'être eux-mêmes perdus dans les références (Jiminy Criquet pour le fameux scarabée au bras en moins, les lutins du Père Noël remplacés ici par les petites filles étoiles filantes travaillant à la chaîne pour l'Homme de la lune, le visage en croissant de ce dernier, les gardes métalliques du palais de la fée, très Miyazaki...), des private jokes (la narcolepsie du Marchand de sable, la petite et la grande « ours » au propre comme au figuré...), les jeux de mots basiques qui échapperont forcément aux petits (la voie « lactée » et les décors de la course qui s'y déroule : du lait, du gruyère, de la fondue...), et des effets modes (l'aspect montagnes russes de cette course, les paillettes dans les cheveux des fillettes étoiles filantes, leur caractère « chantant »...).
L'indigestion arrive donc très vite, malgré quelques bonnes idées, comme les adjectifs utilisés par la petite sœur pour décrire aux autres le concept de « grand frère ». Les hasards trop faciles (le violon trouvé dans une ancienne station lunaire, le sac à dos de la sœur qui comprend plein d’objets forts utiles toujours au bon moment…), les personnages inutiles (le commentateur de la course, sorte de bébé en costume et à moustache ridicule…), finissent par avoir raison du peu d’humour de l’ensemble, même orienté enfant, comme l’aspect taciturne et bêta de la Fée de la nuit, ou le comique de répétition lorsque le scarabée tombe, écœuré… dans du lait, de la soupe ou de la salive. La magie s’éteint donc progressivement au milieu de ce capharnaüm qui stimulera cependant peut-être l’imagination des quelques-uns qui s’accrocheront à cette histoire grotesque.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur