A E I O U L'ALPHABET RAPIDE DE L'AMOUR

Le distributeur Shellac a finalement choisi de sortir en catimini deux des films allemands en compétition à la dernière Berlinale, dans une seule salle à Paris (au Saint-André des Arts). Deux points communsentre elles : il s’agit de comédies rythmées et emmenées chacune par des actrices en pleine forme. Avec l’étrange mais séduisant "AEIOU L’Alphabet Rapide de l’Amour", ce sont les interrogations d’une femme de 60 ans, revenant sur son aventure avec un jeune homme, qui emplissent un récit où le caractère rebelle, taciturne et fantaisiste du personnage est particulièrement mis en avant.

Après et Françoise Fabian, en veuve qui retrouve goût à la vie, dans le touchant "Rose", Fanny Ardant qui s’entiche d’un homme marié plus jeune qu’elle dans "Les jeunes amants", c’est au tour de la pétillante Sophie Rois (qu’on a pu voir en France dans "Une vie cachée", "L'Audition", ou encore "Stalingrad"…) d’être tentée par un homme beaucoup plus jeune, incarné par Milan Herms, des plus convaincants en jeune homme un rien entreprenant. Le portrait de femme est séduisant, dans ses phobies (une peur excessive des cambriolages…), ses revendications féministes (l’interview où elle se rebelle face à un compliment sur son corps… « malgré » son âge, l’altercation avec un envahissant acteur de doublage...), ses élans de liberté (les 400 coups dans le Sud de la France).

Pour son quatrième long métrage, Nicolette Krebitz a eu pour bonne idée d’évacuer rapidement sur les leçons de dictions, sauf à montrer l’étrangeté de certaines méthodes, comme sur la pièce de théâtre elle-même, pour se concentrer sur le rapprochement de deux êtres, aussi improbable soit-il sur le papier. Le film est ainsi ponctué de quelques très beaux moments, qu’il s’agisse de comédie ou d’intime complicité, le jeune garçon entraînant dans son monde de larcins, une femme libre qui hésite pourtant à aimer à nouveau. On ressort du film le sourire aux lèvres, empli d’une certaine légèreté, heureux de croire que les humains peuvent aussi être « inséparables », comme ces oiseaux turbulents que le jeune homme ramène justement chez l’héroïne, lors d’une leçon. Quant au A d’Adrien (et d’Anna du coup), il devient un autre symbole d’une possible union…), et s’il est l’une des 4 lettres que les suspects du vol initial arborent lors d’une séance de reconnaissance, il incarne aussi au travers du film, en tant que première lettre de l’alphabet, un possible nouveau départ.