SIMONE
Un vibrant et nécessaire hommage
Au moment d’écrire ses mémoires, Simone Veil, femme politique connue pour avoir défendu le projet de loi légalisant l’avortement en France, se remémore le trajet parcouru, depuis son enfance dans une famille juive de La Ciotat, jusqu’aux années 70 où elle deviendra Ministre, en passant par la menace allemande et la déportation…
En ces temps où l’avortement est remis en cause, ceci même dans des États les plus avancés (les États-Unis notamment), l’arrivée sur les écrans du biopic de Simone Veil est forcément la bienvenue. Signé Olivier Dahan, a qui l’on doit le succès international de "La Môme", et dont c’est le premier long depuis l’échec de "Grace de Monaco", "Simone" est aussi porté par deux actrices impliquées : Elsa Zylberstein qui donne vie à la femme politique des années 70-90, et grimée à celle qui se retourne en voix-off sur sa vie, plus de vingt ans plus tard, et Rebecca Marder, qui joue Simone Veil jeune (alors Simone Jacob), et qui, il faut bien l’avouer, vole un peu la vedette à la première.
Il faut dire que le film se construit en flashs-back successifs, faisant alterner le parcours de la jeune femme et celui de la femme politique, ce dernier dans un désordre loin d’être innocent. Habilement, le parcours de cette dernière, centré sur l’humanisme de sa démarche, depuis l’instauration d’un contrôle sanitaire pour les détenus (1957), jusqu’à sa bouleversante visite médiatisée à un malade du SIDA (1994), n’existera finalement qu’en résonance avec ce qu’elle a vécu jeune, entre son combat pour survivre à la déportation, ses années d’étudiante (1946 et les années qui suivirent) et les procès de Laval et Pétin, où aucun mot ne sera prononcé sur les déportés.
Et si les divers passages sur la démarche de la femme politique, se fondant sur des questions de dignité humaine, ont autant de retentissement chez le spectateur, c’est qu’Olivier Dahan prend le temps de passages poignants et détaillés concernant la déportation et le traitement infligés alors aux prisonniers. Un traitement dont elle aura été une des premières à parler publiquement, brisant l’omerta sur un sujet qui a longtemps dérangé les Français. Car, en effet, les femmes comme elle, même survivantes, n’étaient pas comme elle le disait « des résistantes glorieuses », mais « une épine dans la mémoire collective ». Montrant comment elle-même a fini par faire face à son passé et tenté également de transmettre un message autour de l’horreur passée (auquel elle ne voyait comme rempart que l’Europe, dans la naissance de laquelle elle s’est investie), le scénario, touffu, nous amène naturellement sur des mots de conclusions dont l’actualité n’est que plus frappante.
Côté mise en scène, Dahan parvient à représenter les flots de haine dont cette immense femme a pu faire l’objet, lors des débats sur l’avortement. Ceci notamment avec la représentation des débats à l’assemblée, où face à l’accusation en règle des Hommes pour les 300 000 avortements clandestins annuels, il laisse déferler sur elle, à coups de zooms soudains, de superpositions de gros plans sur des bouches enragées, cette haine absurde et aveugle qui caractérise encore les débats aujourd’hui sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Capable aussi de capter de petits moments de bonheur (un repas entre deux couples où la caméra tournoie autour d’eux, un moment de baignade, une robe ramenée dans le baraquement comme symbole de dignité…), "Simone" nous voit sortir de la projection, à la fois bouleversés par ce destin hors normes, et avec en tête quelques paroles qui résonneront longtemps sur la responsabilité de chacun dans notre destin collectif.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur