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TORI ET LOKITA

Simpliste et manichéen

En Belgique, Lokita, adolescente immigrée du Bénin, est interrogée sur son parcours, alors que son petit frère Tori, supposé enfant sorcier, attend à l’extérieur. Finalement, comme Lokita est dans tous ses états, l’audition est reportée. Mais une fois au foyer, tous deux répètent les mensonges qui leur permettront de ne pas être renvoyés au pays…

Tori et Lokita film movie

Les frères Dardenne (double palme d’or pour "Rosetta" et "L'enfant") sont repartis cette année avec le Prix spécial du 75e anniversaire pour ce nouveau film social, centré sur l’exploitation dont font l’objet les migrants, de la part de ceux qui les emploient, des passeurs envers lesquels ils ont une dette, comme finalement de leur propre famille, restée au pays. Une récompense qui vise sans doute plus l’ensemble de la carrière de ces réalisateurs belges, spécialisés dans le « film social », mais certes aussi le sujet du présent film, qui n’en est pas moins l’un des plus décevants et simplistes de toute leur carrière.

Ce n’est pourtant pas la première fois que les deux frères traitent du sort réservé aux immigrés, "Le Silence de Lorna" traitant des mariages blancs et "La Fille Inconnue" posant la question de l’assistance à personne en danger, autour d’un personnage de médecin qui ne compte pourtant pas ses heures. Mais en enfermant une nouvelle fois leurs personnages (Lokita l’adolescente et Tori le petit garçon - qu’on devine, au travers de leurs mensonges, dès le début du film comme potentiellement pas réellement frère et sœur) dans une logique d’exploitation généralisée, les Dardenne appliquent une nouvelle fois une recette désormais éculée, ceci jusqu’à l’écœurement. Face à des rouages certes réalistes, ils ne laissent aucun répit au spectateur, puisqu’aux pressions subies ne répondent que la naïveté de la jeunesse de leurs protagonistes.

Pointant leur exploitation par un patron pizzaiolo et dealer de drogue, par le passeur qui les a amenés là, par leur mère restée au pays, leur scénario ajoute à cela des problèmes supplémentaires (les médicaments que Lokita doit prendre en cas de crise…) transformant ce qui paraissait initialement comme l’intéressant sujet central du film (l’obligation du mensonge, pour survivre...) en un parcours rebattu et prévisible de bout en bout. Une fois de plus ils appuient certes là où ça fait mal, sans proposer la moindre solution ou porte de sortie, se contentant d’une démonstration manichéenne, chargeant avec bêtise l’administration sur le mode « si elle avait eu ses papiers »... il ne lui serait pas arrivé ce qui lui arrive.

Alors que des personnages comme ceux d'Emilie Dequenne dans "Rosetta" ou d’Olivier Gourmet dans "Le Fils" faisaient preuve de complexité et se retrouvaient face à des dilemmes existentiels et moraux insurmontables, ici les personnages principaux restent désespérément schématiques, n’étant définis que par leur absence de perspective. Et même si les deux jeunes interprètes parviennent à faire exister leur complicité à l’écran (mention spéciale au plus jeune, Pablo Schils), les Dardenne jouent à fond sans aucune vergogne la carte de la culpabilisation, certaines répliques naïves laissant pantois (un « mais en fait, ils ne veulent pas de nous », lâché au bon moment...). On espérait sans doute des deux auteurs belges un minimum de la finesse qui fait habituellement la qualité de leur cinéma. Elle n’est clairement pas ici au rendez-vous.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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