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BLONDE

Un film de Andrew Dominik

Marilyn Monroe, figure iconique de la femme objet

La trajectoire imaginée d’une des actrices iconiques d’Hollywood, Marilyn Monroe. Norma Jeane Mortenson, née en 1926, est d’abord une petite fille à laquelle sa mère montra la photo de son père, homme influent qui vivait dans les hauteurs de Laurel Canyon, en lui indiquant que « personne ne doit savoir ». Ceci avant de devenir une mannequin, puis une actrice célèbre, autant aimée par les hommes, qu’utilisée par ceux-ci…

Blonde film movie

Sortie le 28 septembre 2022 sur Netflix

"Blonde", présenté récemment en compétition au Festival de Venise et également parmis les avant-premières du Festival de Deauville, est l’adaptation du roman éponyme signé Joyce Carol Oates (pavé de 1110 pages paru en 2000). Et il s’agit d’une version imaginée, tantôt poétique, tantôt sordide, mais en permanence féministe, de la vie de la star qu’était devenue Marilyn Monroe. Un récit qui tâche de montrer le fossé qui se creuse entre le personnage public et celle qui était derrière Marilyn, dans sa vie privée : Norma Jeane. En ne prenant pas soin de prévenir du fait qu’il s’agit d’un parcours romancé, le film prend un grand risque, celui de faire croire au biopic, alors que les écarts avec la réalité existent en termes de faits et de chronologie (la mort du fils Chaplin a par exemple eu lieu après celle ce Marilyn…), et resteront donc difficiles à démêler pour le spectateur non averti.

Le film d’Andrew Dominik, auteur de "L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford", de "Cogan : Killing Them Softly", et dont on attend très prochainement le documentaire sur Nick Cave, "This much I know to be true", adopte ainsi une vision très sombre, non seulement de la réussite à Hollywood pour une femme dans les années 50 et au-delà, mais surtout des relations de Norma Jean / Marilyn avec les différents hommes de sa vie. Au travers de ses échanges et moments passés avec ses amants ou maris (deux principalement sont évoqués ici, sur les trois qu’elle aura eu dans la réalité, son premier époux, James Dougherty étant tout bonnement passé sous silence), c’est sa permanente recherche du père, sa difficulté à faire reconnaître ses réflexions comme sa culture, qui sont soulignées, tout comme son utilisation comme femme objet, autant sexuel que possession. Et si le scénario montre intelligemment le besoin presque maladif de reconnaissance de la star, comme il dénonce son exploitation par les Studios et les inadmissibles écarts de salaires, "Blonde" finit par souffrir de sa propre propension à (presque) tout salir.

Après une scène d’incendie qui marque la détresse de la mère et les espoirs de la fille, le premier rôle de Marilyn actrice de cinéma, dans "Les Reines du music-hall" de Phil Karlson (1948), permet au metteur en scène de poser la quête du père comme traumatique, avec la chanson Every Baby Needs a Da-Da-Daddy" (traduisez « chaque bébé a besoin d’un papa »). Composant nombre de scènes glaçantes, en rendant machinale la supposée audition avec Darryl F. Zanuck, ou grâce au simple positionnement des applaudissements d’une foule à l'ampleur inutile, lors de la prise avec la jupe soulevée par l'air de la bouche de métro sur le tournage de "Sept ans de réflexion", le metteur en scène parvient à créer un véritable malaise. Mais que penser de la rencontre ultra sécurisée avec Kennedy, résumée à une scène dont la frontalité apparaît comme gratuite ? Et même si on voit bien là un résumé des « couleuvres » que la femme a dû avaler, la vision d’une main baladeuse d’un producteur lors d’une Première, suivie sans transition des cris de l’actrice lors d’un tournage, exprime un état de faits bien plus efficacement.

"Blonde" sera donc loin de faire l’unanimité, même si le film s’attache fort justement à montrer les dérives du « male gaze » comme forme de domination permanente. Multipliant les audaces et les dispositifs visuels, Andrew Dominik impressionne par sa mise en scène, comme par les correspondances qu’il crée au montage, opposant de plus en plus frontalement les élans de la vie privée et les sacrifices liés à la carrière. La violence d’une phrase, « pour ça tu as tué ton bébé », restera ainsi longtemps gravée dans l’esprit du spectateur. S’attachant à montrer également les préjugés sur l’intelligence de la femme (« je ne suis pas une star, je suis une blonde »), le scénario offre peu d’éclaircies dans ce parcours hors normes, allant jusqu’à imaginer des dialogues maladroits entre Marilyn et son fœtus. La seule éclaircie viendra finalement de sa liaison avec le fils Chaplin et son ami, la représentation du triangle amoureux et surtout de la découverte du plaisir féminin, avec les corps étirés devenant des sortes de volutes, s’avérant des plus troublantes. Alors à vous de vous faire un avis, face à ce partiellement faux biopic doté d’une actrice grandiose, Ana de Armas, autant à part sur la forme qu’il est impactant sur le fond. Une chose est sûre, vous n’en sortirez pas indemne.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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