LE TIGRE ET LE PRÉSIDENT
Un séduisant mélange des genres pour une page d’Histoire méconnue
Dans la nuit du 23 au 24 mai 1920, Paul Deschanel, alors président depuis quelques mois, tombe d’un train et se retrouve en chemise de nuit en pleine campagne. Il est recueilli par une famille de paysans, qui ne croient pas en son statut. Pendant ce temps à Paris, George Clemenceau tente d’en profiter pour prendre son poste, qu’il briguait déjà auparavant…
Paul Deschanel (fils d’Émile Deschanel, écrivain et opposant à Napoléon III) n’aura été président que quelques mois, du 18 février au 21 septembre 1920. Jean-Marc Peyrefitte, dont c’est le premier long, tente, avec un scénario clairement orienté vers la comédie, de comprendre le destin de cet homme resté dans l’Histoire comme « le président tombé du train », alors qu’il avait des idées vraiment révolutionnaires pour l’époque. De ce duel croustillant, on retiendra les prestations d’André Dussollier méconnaissable grâce à des heures de maquillage en un Clemenceau retors, qui va jusqu’à reconstituer pour les caméras des scènes de bataille pour valoriser son héroïsme et soigner sa postérité. Mais aussi le rôle plus lunaire d’un Jacques Gamblin inspiré en président Deschanel aux idées trop foisonnantes pour être couchées sur le papier, et que la chute du train amènera à côtoyer de vrais gens du peuple dans quelques séquences solaires.
"Le Tigre et le président" est donc une œuvre qui mélange les genres, entre reconstitution historique, film politique et comédie, tâchant de démonter les stratégies de Clemenceau, autant que de montrer l’aspect avant-gardiste de son protagoniste Deschanel. Car, en effet, celui-ci proposait déjà, dès 1920, entre autres l’abolition de la peine de mort, le vote pour les femmes, et même le revenu universel pour tout être humain... Opposé à l’application du Traité de Versailles, rajoutant l’humiliation à la défaite pour les Allemands, il faisait de plus partie de ceux qui annonçaient que celui-ci ne mènerait qu’à un nouveau conflit. Doté de petites touches de fantaisie, afin d’illustrer ses élans perfectionnistes, son goût pour le verbe, mais aussi sa supposée maladie, le scénario de Jean-Marc Peyrefitte et Marc Syrigas dispose aussi de dialogues humanistes marquants, relevant ou non de discours politiques (« Laissez nous gagner la paix », « Ce ne sont pas les présidents qui changent le monde, ce sont les gens »…). Une page d’Histoire méconnue à découvrir en compagnie d’un duo d’interprètes épatant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur