LE CHAMEAU ET LE MEUNIER
Trois courts métrages enchanteurs
Un robot dont le vaisseau s’écrase dans le potager d’un fermier, deux oiseaux blancs qui survolent un paysage pollué, un meunier dont le dromadaire tombe malade et qu’il pense remplacer par sa mobylette…
Les trois courts métrages signés de l’iranien Abdollah Alimorad qui composent ce nouveau recueil sont à la fois ludiques, poétiques et politiques. Non que l’auteur de 74 ans dénonce comme nombre de ses compatriotes, un État tout puissant ou un manque de libertés, mais parce qu’il s’attaque à des sujets contemporains, notamment le traitement des animaux et les conséquences sur ces derniers, de la pollution. Réalisateur de nombreux films d’animation tournés en stop-motion (image par image) avec des marionnettes, tels "Un jour, un Corbeau" (vu dans le recueil "Le Corbeau et un drôle de moineau" sorti en 2017) ou "Bahador" (vu dans "Le petit monde de Bahador" en 2006), il signe cette année une nouveauté toujours aussi fantasque, qui donne ici son titre au recueil, et est accompagnée de deux reprises.
Questionnant tous à leur manière la relation à une certaine forme ou manifestation du progrès, technologie, pollution, profit, les 3 courts métrages s’adressent aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Le recueil s’ouvre avec "Le robot et le fermier" (23 mn), qui figurait déjà dans "Vent de folie à la ferme" sorti en 2011, et voit un vaisseau spatial s’écraser au beau milieu du potager d’un fermier. Passant de la méfiance à l’affrontement puis à la collaboration, le film est une fable amusante sur l’hospitalité et l’entraide, entre civilisations aux techniques différentes. Un joli film à la musique parfaitement coordonnée, traitant aussi de la nécessité de la communication entre les peuples, avec, à ne pas manquer à la fin, le générique qui permet de se rendre compte de la minutie de composition des décors.
S’en suit le poétique "Les Oiseaux blancs" (13 mn 45), qui figurait déjà dans "La montagne aux bijoux" sorti en 2006, avec le court métrage éponyme du même auteur. On y suit deux oiseaux survolant un paysage de vergers progressivement dévastés, jusqu’à un point d’eau pollué autour duquel gravitent des créatures déplumées et visiblement diminuées. Doté de nombreux plans larges ou zénithaux, d’une beauté légèrement macabre, ce film sans parole est doté d’une élégante musique, reprenant le dessus lorsque la liberté du vol s’exprime, alors que les oiseaux hésitent à s’abreuver malgré tout au dangereux point d’eau. Enfin, "Le chameau et le meunier" (14 mn 58) réalisé en 2022, met en scène un dromadaire tournant une meule, qui tombe malade et que son maître envisage de remplacer par un système mécanique… voire pourquoi pas, par sa polluante mobylette. Une jolie fable sur l’utilité de la main d’œuvre autant que le rapport de l’Homme aux animaux, qui clôt avec justesse et humour ce recueil aussi moderne sur le fond qu’enchanteur dans sa technique d’animation.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur