LES LIAISONS DANGEREUSES
Un teen movie français à l’américaine
Au moment de quitter Paris pour emménager à Biarritz avec son père, Célène, en couple avec Pierre, continue de croire à l’amour absolu malgré l’éloignement. Passionnée de littérature et méconnaissant les réseaux sociaux, elle semble en décalage avec l’élite de son nouveau lycée. Sa rencontre avec Tristan, type le plus populaire du bahut et star de l’Internet pour sa pratique du surf, risque de tout bouleverser…
Sortie le 8 juillet 2022 sur Netflix
Ne prenons pas ce film pour ce qu’il n’est pas : ce n’est certes pas un film d’auteur, mais ce n’est pas pour autant un divertissement sans âme et encore moins sans intérêt. On pourrait arguer que revisiter un classique de la littérature dans le cadre d’un teen movie se déroulant dans le monde contemporain n’est pas nouveau, et que le célèbre roman de Choderlos de Laclos a d’ailleurs déjà eu cet honneur outre-Atlantique avec "Sexe Intentions" en 1999. Mais cela n’empêche pas Rachel Suissa, comédienne qui réalise ici son premier long métrage, de signer une adaptation rafraîchissante et plutôt moderne.
Le film s’inscrit ouvertement dans la norme américaine du teen movie tout en choisissant d’ancrer l’histoire dans un contexte français. Ce type de parti-pris est souvent casse-gueule, la société française n’étant pas pleinement conforme à certaines caractéristiques états-uniennes. Malgré cela, en assumant pleinement son artificialité et en situant le récit à Biarritz (à la fois ville bourgeoise et ville de surf, avec une luminosité quasi floridienne), ces "Liaisons dangereuses" parviennent à trouver un équilibre qui fonctionne plutôt bien.
Il y a évidemment beaucoup à redire concernant la mise en scène qui patine de temps à autre (la résolution finale n’est pas ce qu’il y a de plus réussi) et qui a tendance, par-ci par-là, à flirter avec les sitcoms ou avec les romances ado nunuches de type "After". On retiendra tout de même les efforts d’une réalisation pêchue et bariolée, associée à une bande-son surfant avec tout ce qui est populaire dans nos années 2020, essentiellement à base de rap et d’électro. On peut d’ailleurs souligner les apports de l’équipe technico-artistique, qui contribue amplement à la réussite visuelle et sonore du métrage, par exemple avec le travail du directeur photo Giovanni Fiore Coltellacci, de la costumière Emmanuelle Youchnovski (qui avait été nommée aux César pour "La Belle Époque"), de la décoratrice Samantha Gordowski, du compositeur Clément « Animalsons » Dumoulin ou encore de la chorégraphe Charlotte Nopal.
Quant aux jeunes interprètes, certains s’en sortent avec les honneurs, particulièrement la charmante Paola Locatelli (connue jusqu’alors comme youtubeuse), le charismatique Jin Xuan Mao (qui est également danseur et qu’on a pu voir dans la série "Emily in Paris") et l’amusante Héloïse Janjaud. Du côté des adultes, plutôt qu’Alexis Michalik dont la présence est assez fade, notons plutôt le personnage comique incarné par Nicolas Berno, qui peut symboliser à lui seul la part très frenchie du film.
Parmi les idées intéressantes, on notera la volonté d’intégrer une œuvre dans une autre, en imaginant les élèves montant une version comédie musicale de "La Princesse de Montpensier" (avec au passage une réplique clin d’œil à l’adaptation de Tavernier). On pourra toutefois regretter que cet aspect ait été un peu trop expurgé du montage final. Enfin, outre la musique déjà évoquée, "Les Liaisons dangereuses" se montre pertinent dans son traitement contemporain. Rachel Suissa a parfaitement cerné la génération Z, avec notamment l’ouverture d’esprit sur les identités LGBT, une sexualité désinhibée et, surtout, l’importance des réseaux sociaux et la recherche de popularité à tout prix (« aujourd’hui, le pouvoir c’est la fame », clame Tristan dès l’intro). Si elle ne fait pas un film à message, sa première réalisation a au moins le mérite d’être ancrée dans son époque.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur