MOUSSON TROPICALE
Faire la paix avec le passé
Un Britannique d’origine Vietnamienne, prénommé Kit, débarque à Saïgon tel un touriste, s’installant dans un bel appartement. Un peu perdu et incapable de parler la langue, il part en taxi-scooter à la recherche d’une adresse. Là, il tombe sur son ami d’enfance Lee, avec lequel il échange en anglais, évoquant de vieux souvenir, à l’âge de six ans, avant qu’il parte du pays avec ses parents…
Sortie le 20 juin 2022 sur QueerScreen
On avait beaucoup apprécié le long métrage précédent de Hong Khaou, "Lilting ou la délicatesse", où la barrière du langage et les différences culturelles étaient déjà présentes, entre la mère sino-cambodgienne en deuil de son fils, et le compagnon Britannique de celui-ci. Poussant le curseur un peu plus loin sur les mêmes thématiques, l'auteur situe cette fois-ci son action au Vietnam, entre Saïgon et Hanoï, où se rend un jeune Britannique ayant dû quitter le pays avec sa famille à l'âge de six ans, laissant derrière lui un ami fidèle (Lee) et un pays dont il ne sait plus rien. Donnant à ressentir d'emblée cette barrière qui le sépare de ses origines, Hong Khaou donne à voir le contraste entre le caractère grouillant des rues (le premier plan est une vue zénithal sur un carrefour soudain envahi de deux roues...) et l'isolement de l'appartement dans lequel son personnage s'installe en touriste.
Puis vient la rencontre avec Lee et sa mère, la langue anglaise devenant rapidement une tâche honteuse, alors que l'on comprend que le départ de la famille de Kit fut soudain, blessant, et non sans conséquences, et que le jeune homme est capable de comprendre mais pas de parler le vietnamien. Alternant deux dialogues, avec cet ami perdu de vue et avec un noir Américain (Lewis) portant le poids de son père, ancien militaire, ce sont deux passés du pays qui sont évoqués, avec d’un côté la dictature communiste, au travers de la fuite de la famille de Kit après l'enfermement du père en camp de concentration, et de l’autre la guerre sans fin avec les États-Unis. Au milieu de reproches faits à demi-mots, de l'évocation du traumatisme des combats comme de l'exil, Hong Khaou insuffle quelques moments de douceur, autour de la relation naissante entre Kit et Lewis. Les scènes entre eux progressent au fil du métrage, vers cette paix qu'ils semblent tous deux rechercher, rajoutant au déjà intéressant discours d'ensemble, un message moderne sur l'honnêteté qui ajoute encore à la sincérité de "Mousson Tropicale" en tant que chronique douce-amère de la réconciliation.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur