DECISION TO LEAVE
D’incroyables plans, pour un prix de la mise en scène mérité
Hae-Joon, enquêteur zélé et méticuleux, se retrouve avec son inséparable collègue sur une affaire de décès d’un alpiniste, retrouvé mort au pied d’une falaise qu’il venait d’escalader. Peu à peu, il en vient à soupçonner Sore, la femme de celui-ci, ancienne infirmière, qui exerce une troublante attirance sur lui…
Après avoir remporté le Grand prix avec "Old Boy" et présenté en compétition le magnifique "Mademoiselle", le coréen Park Chan-wook est finalement reparti du Festival de Cannes 2022 avec un Prix de la mise en scène amplement mérité. Le plan, impossible, en vue subjective, depuis l’œil de la victime, où on aperçoit au loin la silhouette de l’enquêteur, une fourmi s’intercalant dans le champ de « vision » de celui-ci, alors qu’elle passe sur le cadavre, donne le ton dès les premières scènes. Le travail d’un mois sur le storyboard, entre le réalisateur et son directeur de la photographie, Kim Ji-yong (qui a travaillé notamment sur "A Bittersweet Life") aura porté ses fruits, multipliant les audaces visuelles, entre plans séquences mémorables et mouvements de caméra improbables.
Alors que s’installe le trouble de l’enquêteur envers la femme du défunt, marquée comme un animal des initiales d’un mari qu’on suppose du coup possessif et violent, Park Chan-wook adopte un principe narratif qui consiste à incruster ponctuellement l’enquêteur dans certaines scènes impliquant la suspecte. Ainsi se déroulera la première partie du métrage, comme si celui-ci était le témoin direct des agissements de cette femme, se rapprochant du même coup de son intimité, comme de ses supposées motivations.
Sans dévoiler ni les conclusions de la première partie, ni les enjeux de la seconde, au centre de laquelle se trouve une nouvelle enquête alors que le policier a déménagé et recroise la femme en question, on peut tout de même dire que "Decision to leave" est autant une histoire d’amour passionnel qu’un troublant thriller. D’un romantisme échevelé dans sa déchirante conclusion, le film parvient parfaitement à tenir en haleine, tout en nous projetant au cœur des hésitations d’un duo de personnages attachants, dont l’esquisse d’histoire d’amour les dépasse quelque peu. Entre gestes généreux ou libérateurs et motivations plus égoïstes ou personnelles, les auteurs, aidés par des interprètes subtils, jouent avec nos nerfs, notre sentiment de justice et surtout notre fibre sensible. Une combinaison définitivement gagnante.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur