SPIDERHEAD
La toile est tissée mais elle s’effiloche
Dans un centre de détention et de recherche nommé Spiderhead, installé sur une île, Steve Abnesti fait des tests sur des prisonniers volontaires, pour expérimentait des drogues jouant sur les émotions et les perceptions…
Sortie le 17 juin 2022 sur Netflix
L’ouverture intrigue immédiatement : un prisonnier rit ostensiblement à des blagues plutôt bas de gamme puis il continue d’être mort de rire quand on lui raconte les atrocités du génocide du Rwanda. À la fin de cette première séquence, le titre "The Logical Song" de Supertramp inaugure ce que sera l’ambiance sonore du film : alors que l’univers est carcéral, la musique est préférablement joyeuse ou cool, et généralement pop ou jazz. Ainsi, on entendra notamment Roxy Music ("More Than This"), George Benson ("Breezin’"), les Staple Singers ("I’ll Take You There"), les Doobie Brothers ("What A Fool Believes"), les Swingle Singers ("Solfggietto" et "Der Fruehling"), Herb Alpert ("Rise") ou encore Hall and Oates ("You Make My Dreams").
Cette excellente BO rétro fait partie des réjouissances de "Spiderhead" et renforce l’ambiguïté qui plane sur tous les éléments ce long métrage : un scientifique qui se comporte comme un geôlier sympa au point de parler aux détenus-cobayes comme si c’était sa bande de potes ; une prison qui ressemble, à l’intérieur, à un mélange de studio de télé-réalité et de start-up avec team building et activités cools ; un aspect extérieur du bâtiment qui s’avère plus froid mais aussi très moderne, comme une sorte de blockhaus high-tech qui contraste avec la nature luxuriante des environs ; des expériences vicieuses qui côtoient des moments d’humour (mais on a connu meilleure alchimie de la part des scénaristes Rhett Reese et Paul Wernick, notamment auteurs des adaptations ciné de "Deadpool").
Le film part sur de bons rails mais la sauce ne prend pas tout à fait et la recette finit malheureusement par s’essouffler. Si Miles Teller et Jurnee Smollett sont excellents de bout en bout, Chris Hemsworth appuie trop son côté savant cool et on devine facilement que des desseins plus pervers et ambigus se cachent derrière un tel masque – on se demande comment les protagonistes se laissent si facilement berner tant c’est gros comme une maison ! Quant au scénario, il reprend des ficelles déjà connues des dystopies sur le libre arbitre et ne surprend donc guère, tout en se montrant quelque peu confus sur certains aspects (notamment la carte de bingo). Malgré l’empathie que l’on peut ressentir pour les personnages, l’émotion est insuffisamment au rendez-vous. Et "Spiderhead" entre au panthéon de ces films qui n’ont pas énormément de défauts objectifs mais dont la mécanique est paradoxalement grippée.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur