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EL BUEN PATRÓN

Une parfaite comédie sur le monde du travail, où tout est question d’équilibre

Juan Blanco, patron d’une entreprise familiale qui fabrique des balances, dit considérer ses employés comme « ses enfants ». Mais alors que sa boîte se retrouve parmi les trois finalistes pour le prix de la meilleure entreprise et s’apprête donc à recevoir une éventuelle récompense, et qu’il se vante d’avoir pris ou de devoir prendre certaines décisions « pour le bien de la famille », trois employés en particulier vont venir perturber le petit univers sur lequel il reigne…

El buen Patron film movie

C’est sans doute notre gros coup de cœur de ce premier semestre 2022. "El buen patrón", passé par le Festival de San Sebastian 2021, mais reparti bredouille, et depuis lauréat de 6 Goya, dont celui du meilleur film espagnol, est en effet à la fois une comédie hilarante parfaite pour la Fête du cinéma, une analyse acerbe du monde de l’entreprise, et un terreau idéal pour des personnages savoureux. Il faut dire que le cinéma de Fernando León de Aranoa ("Amador", "A Perfect day") a toujours su parler avec acuité de la relation de l’Homme au travail et des différences de classes sociales, ceci depuis "Les Lundis au soleil", qui l’avait fait remarquer en France en 2003.

Dès les premières scènes, les dents grinces face au discours de ce patron charismatique et paternaliste interprété avec brio et ampleur par le grand Javier Bardem. Le patron parle « famille », des employés qui sont « ses enfants », mais à l’entrée de l’usine, dès le lundi, un oiseau se pose dans un des plateaux et fait pencher la balance qui orne le portail d’entrée. Tout un symbole des dérèglements contre lesquels va lutter avec sourire et une bonne dose de calcul et d’hypocrisie, mais un flegme presque toujours infaillible, cet homme que rien ne semble pouvoir abattre. Adoptant vite un ton comique parfaitement assumé, derrière lequel ses fins talents d’observateur se dévoilent à nouveau, Fernando León de Aranoa analyse les luttes de pouvoir internes de l’entreprise, dévoilant le monstre qui se cache derrière la façade de bienséance du patron.

En face de lui, il dispose ainsi des personnages aux intentions au départ louables, comprenant chacun progressivement leur intérêt à emprunter les mêmes voies et armes que celui qui les manipule par le verbe et la caresse. Se dressent ainsi sur son chemin vers le prix de la meilleure entreprise, un ancien employé qui a décidé de faire le piquet juste en face de l’entrée, banderoles et hygiaphone en mains, un contremaître qui n’arrête pas de faire des erreurs, trop préoccupé par le fait que sa femme le trompe, et surtout une stagiaire très séduisante (irrésistible révélation Almudena Amor, déjà vue cette année dans le flippant "Abuela") qui est de plus la fille d’amis à lui. Avec ses dialogues parfois à double sens (comme lors d’une époustouflante scène de repas au restaurant en compagnie des parents de la stagiaire...), véritables délices de drôlerie mêlée à un réel questionnement sur les relations entre travail et vie privée, "El buen patrón" se pose en sorte de contrepoint des "Lundis au soleil", avec un humour plus affiché et un esprit délicieusement amoral (car « des fois il faut truquer la balance pour avoir la mesure exacte »...).

On suit donc avec un immense plaisir les déboires de tout ce microcosme dans lequel désormais l’entraide n’est plus de mise (dureté de l’époque oblige sans doute), chacun semblant ici aveuglé par ses propres intérêts. La chapitrage, sur 9 jours au total, renforce bien entendu le sentiment d’urgence fasse au dysfonctionnement de ce petit monde, et la chanson de fin, « Feeling Good » version Michael Bublé, vient fort justement accompagner le message sous-jacent sur la possible prise de pouvoir de minorités jusque là pauvrement positionnées dans cet univers : les jeunes, les femmes, les minorités raciales… Un vrai délice, d’une grande modernité.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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