LES FEMMES DU PAVILLON J
La sororité comme thérapie
Dans un centre de soins psychiatriques de Casablanca, trois patientes et une infirmière se lient d’une amitié forte pour combattre ensemble leurs souffrances…
Sélectionné dans plusieurs festivals dès 2019 (Le Caire, Marrakech, Malmö…), "Les Femmes du pavillon J" est l’un des très nombreux films dont la distribution a été retardée par la pandémie de Covid. Le voilà enfin sur les écrans français, alors que le premier long métrage de Mohamed Nadif ("Andalousie, mon amour !", il y a dix ans) n’avait pas été distribué dans l’Hexagone.
La première séquence donne le ton : quatre femmes prêtes à tout pour se sentir libres (à défaut de l’être vraiment), une entraide salutaire au sein de ce quatuor complémentaire (des statuts et des âges différents…), une clandestinité nécessaire (la scène se déroule de nuit, dans un parc d’attraction alors fermé) et une parole remise en doute (le policier ne croit pas l’explication de l’une d’entre elles lorsqu’elle expose pourtant la vérité).
On comprend rapidement que le choix d’un centre psychiatrique pour femmes est une manière d’évoquer la condition féminine dans le Maroc contemporain, confrontant une modernité de façade et la persistance d’une tradition paternaliste. "Les Femmes du pavillon J" est ouvertement féministe (notons qu’Assma El Hadrami, qui interprète Amal, est la coscénariste du film avec Mohamed Nadif, qui est son conjoint) et met en scène une bienveillante sororité, faisant de la solidarité féminine l’une des principales voies d’émancipation dans ce pays.
Dans une mise en scène sobre, quoique parfois un peu trop appuyée (le basculement momentané dans le thriller est un peu cliché), le réalisateur appuie explicitement la cause des femmes mais il n’en oublie pas pour autant la nuance concernant les rapports entre femmes et hommes. Ainsi, tous les personnages masculins ne sont pas négatifs et, a contrario, des femmes s’avèrent cruelles : il y a par exemple un médecin bienveillant (joué par Nadif lui-même et inspiré d’un vrai médecin auquel il rend hommage), un père plus compréhensif que la mère envers leur fille, une infirmière prenant plaisir à traquer et humilier les patientes…
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur