GOD'S CREATURES
Un air marin qui s'essouffle trop rapidement
Le retour d’un jeune homme va complètement faire éclater une petite communauté de pêcheurs, et perturber en particulier la mère dont l’amour va être questionné par rapport à ses convictions…
Une caméra subjective engloutie dans l'océan. Des râles. L'agitation de l'eau. Voici comment débute violemment "God's Cratures", en nous faisant vivre de l'intérieur la noyade d'un jeune garçon. Mais dans ce village de pêcheurs, personne n'est surpris de l'accident, tout le monde connaissait le goût du risque du marin, prêt à ignorer les marais pour améliorer son rendement de production. C'est à travers ce drame que le film va nous permettre de découvrir les protagonistes, et notamment Aileen (la géniale Emily Watson), taulière de l'usine de poissons et figure locale. Et c'est le retour de son fils Brian, exilé en Australie depuis quelques années, qui va engendrer de nouvelles conséquences tragiques, aussi bien pour la famille que pour toute la petite communauté.
Dans ce microcosme où l'époque importe peu, les vieilles traditions et les croyances religieuses se confrontent à des dénonciations plus modernes, comme ce patriarcat et cette misogynie systémique que doit affronter Sarah pour oser dénoncer des agissements ignobles. Si l'ambiance typiquement Irlandaise, avec son folklore et ses chants, séduit, le métrage met malheureusement trop de temps à s'emparer véritablement de son sujet, lançant plusieurs pistes jamais abouties (l'épisode des huîtres infestées par un champignon, le père abusif d'Aileen) et finissant par bâcler ses ressorts scénaristiques. Car si le comportement de cette mère aimante est d'abord compréhensible, le changement qu'elle opère apparaît comme trop brutal pour le rendre suffisamment crédible.
Annihilant ainsi sa portée émotionnelle, le film présenté à la Quinzaine des Réalisateurs, ne tient pas ses promesses initiales, nous laissant sur notre faim face à des rebondissements maladroits et un symbolisme trop appuyé (peut-être un peu trop de nuages orageux ?). En s’attaquant au conflit éternel de l’amour face aux valeurs, des sentiments face aux certitudes, le duo de cinéastes Anna Rose Holmer et Saela Davis propose un questionnement inabouti dont le final ne gommera pas les défauts. Dommage, car le lieu et le propos du projet auraient pu nous transporter bien plus loin.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur