ANATOMY OF TIME
L’engagement au-delà de l’amour
Maem, une vieille dame thaïlandaise, veille sur son mari, alité et par moments appareillé pour mieux respirer. Dans sa jeunesse, dans les années 60, elle fut courtisée par deux jeunes hommes, un modeste conducteur de pousse-pousse et un chef d’armée implacable…
Auteur de "Vanishing Point", son premier film, sorti en France récemment directement en DVD, Jakrawal Nilthamrong aborde à la fois les questions de vieillissement et d'engagement dans le couple, sur fond de violence et de dictature militaire (la Thaïlande a été dirigée par Thanom Kittikachorn de 1963 à 1973). Par de longs flashs-back, revenant régulièrement au personnage de Maem devenue vieille et s'occupant avec dévouement de son mari, général en disgrâce, le scénario de "Anatomy of time" illustre au travers d’un cas particulier, les souffrances et les virages du destin liés à la lutte entre militaires et rebelles communistes.
Si l'on ne peut pas dire que le rôle de tous les personnages soit totalement limpide, l'intrigue a néanmoins l'intérêt de poser le jusqu'au-boutisme et la violence de ce mari, et le troublant mélange de choix et de subi dans ce qui mena Maem à être avec lui. Enlèvements, exécutions, trahisons, sont ici évoquées par bribes, mettant à l'écart certains personnages au profit d'autres, faisant revenir des fantômes du passé au travers d’autres, mais permettant de souligner par contraste les petits moments de joie ou de bonheur, souvent liés à des lieux naturels filmés avec douceur (une grotte qu'on explore à deux, du miel ramassé sur de géants essaims à flanc de roche, un arbre isolé plein de fruit qui sert de point de regroupement pour des oiseaux...).
Il y a bien entendu une forte dose de symbolique dans tout cela, de la forme de fente de l'entrée de la grotte (liée à un secret dévoilé sur le tard...), jusqu’à ce bel arbre isolé et convoité par plusieurs oiseaux ou cette horloge qu’on remet en marche à la fin, en passant par le discours sur la manière dont des prophètes différents pourraient relater à leurs fidèles l'exploration de la grotte. "Anatomy of time" prend son temps, résolument contemplatif, choisissant l'importance du chemin plus que la destination, les événements faisant de quelqu'un(e) ce qu'il(elle) est, et parvient à mieux toucher grâce à un effroyable mais ensoleillé flash-back final.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur
