BABYSITTER
Toujours se méfier de la baby-sitter !
Après un combat de boxe trop alcoolisé, Cédric dérape en direct à la télévision et commet un acte sexiste. Alors qu’il se remet en question sur son comportement, l’arrivée d’une mystérieuse baby-sitter va venir bouleverser l’équilibre de son couple…
Pour sa deuxième réalisation après "La Femme de mon frère", Monia Chokri pousse nettement les curseurs de la comédie loufoque. "Babysitter" s’ouvre sur des très gros plans, procédés scéniques qu’on retrouvera tout au long des 90 minutes, nous plongeant au cœur d’une salle de MMA où Cédric exulte à chaque coup porté par les athlètes. Tout en avalant des pintes et en draguant ouvertement les deux jeunes femmes devant lui, l’homme se sent libéré, loin de sa monotonie à la maison où la naissance de leur fille a plutôt eu tendance à éteindre la flamme de son couple. Mais en direct à la télévision, il va voler une bise à une présentatrice, acte sexiste qui devient viral et qui lui vaut une suspension au travail. Obligé de se remettre en question, il se lance alors avec son frère, journaliste, dans l’écriture d’un livre pour comprendre l’origine de sa misogynie.
Adaptation d’une pièce de Catherine Léger, qui a connu un beau succès au Québec, le film s’empare de ce matériau originel pour le transporter dans un univers kitsch, aux couleurs saturées, inspiré des Giallos des années 70. Si le décor invite à la nostalgie de décennies lointaines, l’intrigue, elle, est bien ancrée dans notre époque, dans une société où le patriarcat a trop longtemps dicté sa loi, où la misogynie est plus liée à un héritage systémique qu’à une véritable volonté d’écraser la gente féminine. Malgré les outrances et excès formels, c’est bien dans la subtilité des propos que s’inscrit le métrage ; ici, tous les hommes ne sont pas des êtres vils ou machos, au contraire, la plupart se comporte d’une manière dommageable sans avoir jamais pensé à remettre en question cette attitude.
Sous les traits de cette galerie déjantée de protagonistes archétypaux, la cinéaste prend un vrai plaisir à questionner notre rapport à l’autre, cette hypersexualisation du corps féminin, ou encore la difficile déconstruction des symboles de virilité. Et si le film excelle dans les séquences humoristiques, le surplus fantastique est moins convaincant, au point d’atténuer le potentiel comique de plusieurs saynètes. Fable fantasmagorique maladroite, "Babysitter" s’égare dans son allégorie, nous tendant un miroir un peu trop déformant pour être tranchant. Le mélange des genres est toujours un exercice périlleux ; malgré une recette mal assaisonnée, la nouvelle comédie de Monia Chokri reste une des propositions les plus intéressantes de ce début d’année.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur