THE IN BETWEEN
En effet un entre-deux : entre réussites et clichés
Tessa, qui n’a jamais cru en elle ni en l’amour, rencontre Skylar ; le coup de foudre est immédiat et mutuel. Mais le bonheur est de courte durée puisque le jeune homme meurt dans un accident. Effondrée, Tessa reçoit des signes étranges qui lui font penser que le fantôme de Skylar essaie de communiquer avec elle…
Sortie le 8 avril 2022 sur Netflix
Un couple qui file le bonheur parfait, un accident qui laisse la jeune femme sans son âme sœur puis l’espoir de communiquer avec son esprit… On n’aurait pas déjà vu ça il y a plus de trois décennies dans "Ghost" ? Bien sûr que si et pour être franc, "The In Between" ne cache même pas cette influence écrasante, puisque, dans une scène, on voit distinctement l’affiche du film avec Demi Moore et Patrick Swayze. On peut se demander aussi s’il n’y a pas quelques références éparses à Olda Mae Brown : Tessa est aidée dans sa quête surnaturelle par deux Afro-Américaines qui se répartissent les caractéristiques du personnage interprété par Whoopi Goldberg (la meilleure amie plutôt pour le côté humoristique et une vieille dame pour l’aide concernant la communication avec les morts), et Skylar est par ailleurs supposé poursuivre ses études à l’Université… Brown (dans le Rhode Island). Évidemment, seule la trame générale ressemble à "Ghost" et beaucoup d’autres aspects sont très différents, ne serait-ce que pour la cause de la mort du jeune homme, l’âge des protagonistes (ici sur le point de se lancer dans les études supérieures) ou encore la place importante que tient la photographie (pour remplacer la poterie ?).
Parmi les bonnes idées du film, citons la volonté d’utiliser trois œuvres accompagnant le parcours de Tessa et sa relation avec Skylar. Il s’agit d’abord du film "37°2 le matin", qui permet de mettre en scène une rencontre plutôt originale (le jeune homme parlant français, il peut lui traduire les répliques dans le cinéma où ils se trouvent à la suite d’un problème de sous-titres) et qui trouvera à la fois quelques échos ultérieurs dans le récit et une résonnance symbolique (un drame romantique qui annonce en quelque sorte leur funeste destin commun). Il y a aussi le fameux cliché "Le Baiser de l’Hôtel de ville" de Doisneau, que Tessa a affiché dans sa chambre, qu’elle admire régulièrement et dans laquelle elle se trouvera plus ou moins plongée dans une scène à la fin du film (n’en dévoilons pas les détails). Enfin le film utilise régulièrement la chanson d’INXS "Never Tear Us Apart", qui incarne d’abord l’impossibilité d’un amour éternel (puisqu’elle est sur une cassette faite par le père de Skylar pour sa mère durant leur jeunesse mais que le couple est désormais en instance de divorce) avant de devenir, inversement, une matérialisation sonore du lien indéfectible qui unit Tessa et Skylar par-delà la mort.
Ceci dit, malgré de belles idées éparses, quelques dialogues bien senties et certaines jolies séquences (dont celles dans l’hôtel abandonné), "The In Between" peine à convaincre et émouvoir de façon pérenne, tant le long métrage est par ailleurs engoncé dans une tendance à perpétuer les clichés du teen movie romantique. Certes, en comparaison avec le triptyque "The Kissing Booth", cette nouvelle production destinée à mettre en valeur Joey King s’avère moins nunuche et plus profonde. Il n’en reste pas moins qu’on a droit à des scènes ou thématiques resucées jusqu’à la moelle : l’adolescente torturée, le beau et talentueux mec qui va lui permettre de prendre confiance en elle (on pourrait disserter des heures sur ce stéréotype assez paternaliste), l’enjeu contradictoire entre relation à faire perdurer et inscriptions universitaires à l’autre bout du pays, etc. Ajoutons à cela une narration non linéaire un peu lourde par moments et des effets spéciaux sacrément kitschs. Au final, c’est une attachante histoire d’ados mais c’est trop bancal dans la forme.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur