LYNX
Des images à la rareté précieuse
Dans le Jura, le lynx boréal a été réintroduit il y a une cinquantaine d’années, permettant la régénération de la forêt en régulant les populations de chevreuils et de chamois. Laurent Geslin tente de suivre la trace d’un représentant de l’espèce, alors qu’à la saison des amours, il appelle une éventuelle femelle…
Racontant en voix-off sa difficulté à croiser le chemin de celui que l’on surnomme à juste titre le « fantôme des forêts », étant donnée sa discrétion, Laurent Geslin, photographe animalier internationalement reconnu, nous conte plus d’une année et demi, un peu plus d’un cycle de saisons, durant lequel il a pu suivre d’abord une femelle, donnant naissance à trois petits, dont une « fille ». Pendant près d’une heure trente, on suit donc les guerres de territoires, la chasse nécessaire à la survie, la crainte des concurrents, le documentariste ne cachant rien du statut de prédateur de cet animal à la démarche feutrée, et à l’élégance indéfinissable. Conscient qu’il s’agit là d’images rares , le spectateur se retrouve lui aussi en position d’observateur discret, profitant des bruits de la forêt, des pas dans la neige, ou des autres espaces croisées (hermine, renards…) avec le sentiment d’être un privilégié.
Mais au delà de la contemplation, ce sont les contacts avec l’homme ou son influence sur le milieu de vie du Lynx qui sont examinés ici, lorsque des bûcherons s’approchent de la tanière, marquant certains arbres dans le cadre de l’exploitation de cette « forêt jardinée », alors que l’animal se rapproche des villages ou traverse maladroitement des routes qui constituent un véritable danger, ou encore lorsque deux promeneuses tombent sur l’animal en train de dépiauter une carcasse de gibier, ou quand des scientifiques interviennent pour prélever un spécimen et le réintroduire dans une autre vallée, afin d’assurer le mixage génétique (et d’éviter ainsi la consanguinité). Mais certaines exactions volontaires comme le braconnage ou la chasse illégale, condamnées ici, resteront bien sûr hors champs.
Au fil de ce documentaire scénarisé (les événements vécus par le réalisateur l’ont été dans un autre ordre) au rythme apaisant , on pourra s’attendrir face au sens de l’équilibre tout relatif des trois petits lynx (des « chatons »), découvrir le rituel permettant la mise en contact en vue de l’accouplement, observer les alliances entre espèces, et se prendre à espérer un avenir plus serein pour la femelle de la portée. Un film qui donne résolument envie de s’intéresser à ces espèces en danger, tout en respectant leurs habitats et en évitant les contacts directs. L’envie, en réalité, d’être un être humain bienveillant, se tenant à distance.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur