MONEYBOYS
Un film rare sur les questions LGBT dans la Chine d’aujourd’hui
Liang Fei est issu d’un petit village de la campagne chinoise. Pour subvenir aux besoins de sa famille, le jeune homme quitte les siens et s’installe dans une grande ville pour y travailler. Mais ce sont les portes de la prostitution qui s’ouvrent d’abord à lui…
La question de l’homosexualité en Chine est périlleuse, pays où elle n’a été décriminalisée qu’en 1997 (1791 pour la France avec l’abolition du crime de sodomie) et où, encore aujourd’hui, aucune loi n’interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. C’est donc avec une certaine curiosité qu’est accueilli ce film traitant de l’homosexualité dans le pays en question. Un long métrage qui n’a d’ailleurs pas été tourné sur ces terres, mais à Taïwan avec le soutien financier d’investisseurs européens, le réalisateur C.B. Yi – dont c’est le premier film – ayant quitté très jeune la Chine pour l’Autriche. Il s’est même retrouvé dans la prestigieuse école de cinéma de Michael Haneke et "Moneyboys" a été présenté en avant-première mondiale au dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard.
Mais revenons-en au film lui-même, "Moneyboys", qui raconte l’histoire d’un jeune garçon qui quitte ses terres pour travailler dans les grandes villes et envoyer de l’argent aux siens. Une famille bien heureuse de profiter des revenus du jeune homme, mais qui surtout ne cherchera pas à comprendre d’où viennent ces rentes. L’histoire creusera les relations intrafamiliales et posera les questions des liens du sang et plus particulièrement des obligations envers ses proches. Jusqu’où peut-on se sacrifier pour entretenir sa famille qui ne se soucie guère de son propre sort ? "Moneyboys" est également un film d’amour, dans lequel le personnage principal vivra le dilemme amoureux entre son premier grand amour et le nouveau petit jeune qu’il prend sous son aile et dont il tombe sous le charme. L’homosexualité est dépeinte sous le prisme de la prostitution et jamais l’histoire n’envisage les relations autrement que monétisées, les Money boys consomment du sexe dans ce pays où la police chasse tout acte homosexuel…
Dans ce cadre de rigueur, le réalisateur C.B. Yi signe un enchaînement de plans très codifiés et pour le coup d’une grande beauté. L’esthétique du générique n’est que le prélude à un choix artistique qui comblera les aficionados de plans séquences et de larges cadrages immobiles dans lesquels les scènes prennent vie. Les choix successifs de couleurs et de tonalités d’ambiance renvoient directement aux ressentis et aux sentiments éprouvés par les protagonistes du film : pétillants et flashy pour les moments de joie et de fête, ternes et monochromes pour les scènes plus dramatiques et mélancoliques… Un doux parfum de Wong Kar-wai flotte parfois sur ce long métrage à la fois du côté de l’esthétique mais aussi de la rythmique, ce qui pourrait en assommer certains. Les comédiens sont malheureusement assez peu empathiques, souvent trop austères et auxquels il manque cruellement une dose de sensibilité. Dommage, car ce défaut empêche de se laisser aller pleinement au récit sur lequel le spectateur pourrait glisser au lieu de s’en imprégner pour en comprendre complètement les enjeux…
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur