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RIEN À FOUTRE

Vers un avenir solitaire ?

A 26 ans, Cassandre est hôtesse de l’air sur Wing, une compagnie aérienne low-cost. Dans un rythme effréné, elle enchaîne les vols, les fêtes ou soirées en boîtes lors des étapes, les plans d’un soir… Cette vie au jour le jour semble la combler, mais la solitude rode pourtant…

Rien à foutre film movie

Récompensé du Prix Fondation Gan à la Diffusion lors de la Semaine de la critique 2021, "Rien à foutre" est le genre de film qui ne mettra sans doute pas tout le monde d'accord. Il n’en constitue pas moins une radiographie acidulée, d’une génération à laquelle on a appris à vivre dans l’instant, sans jamais vraiment se préoccuper de son propre avenir. A force d’écoles qui enseignent à leurs élèves qu’ils n’auront pas de retraite, de chaînes d’information qui ne parlent que de crise, de baisse de budgets ou d’effectifs, et de régressions sociales, de démultiplication des jobs précaires (CDD, contrats à la Uber où l’employeur se désiste de toutes ses obligations sur l’employé considéré comme un « indépendant »...), ou de réseaux sociaux ou d'application qui ne vendent que de la rencontre kleenex, toute une jeunesse semble avoir intégré l’inutilité de vivre dans autre chose que le jour le jour.

C’est ainsi que l’on découvre Cassandre, une jeune femme de 26 ans à laquelle on a appris à faire des ventes individuelles tout en travaillant en équipe (tout un concept de non solidarité résumé en quelques scènes d’introduction), qui refuse de se positionner face au rythme et aux contraintes qui lui sont imposées. Savamment documenté, le scénario de Emmanuel Marre et Julie Lecoustre (aussi à la mise en scène), aidés de Mariette Désert, détaille à la fois des conditions de travail ne laissant aucune place à la vie privée, ni au réel contact humain avec les passagers, avant de mettre l’accent sur la pression de la compagnie pour une « montée en grade » synonyme de plus de contraintes encore. En mettant en avant dans une première partie la légèreté apparente de leur personnage, et en adoptant un ton proche d’une comédie sociale cynique (Cassandre accepte et se fout de tout, refusant de contribuer à la grève, étant volontaire pour des heures supplémentaires à Noël…), ils permettent le déploiement d’une seconde partie plus contrastée.

Car le personnage interprété avec une grande justesse par Adèle Exarchopoulos ("La vie d’Adèle", "Mandibules") se révélera alors bien moins superficiel, lorsqu’elle devra entrer dans un processus de formation pour un poste de Cabin Manager (l’occasion au passage de nouvelles critiques des modes de management en vigueur...) et faire également un saut dans sa famille. Prenant alors une toute autre dimension, le scénario pourra mettre l’accent sur les choix de vie qui s’offrent à elle, que ce soit d’un point de vue personnel ou professionnel, permettant ainsi à une certaine forme d’émotion d’affleurer, autour de ce personnage au départ si difficile à apprécier. "Rien à foutre" se meut alors en une intrigante leçon d’empathie, sans pour autant chercher à excuser le comportement ou à résoudre les problèmes d’un personnage qui semble se laisser mener, avec un indifférence, par les flots d’un quotidien qui s’emballe.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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