RIMINI
Crépuscule d’un homme et d’une culture
Après avoir enterré sa mère et rendu visite à son père en hospice, Richie retourne à Rimini, dans sa maison pour redevenir Richie Bravo, chanteur et tapin connu localement. Mais nous sommes hors saison, et les fans comme les clientes sont peu nombreuses…
La scène d’ouverture donne le ton : une brochette de dix petits vieux, avec leurs déambulateurs, chante à la manière d’une chorale désorganisée. Le sujet de la vieillesse ou plutôt de la disparition sera au cœur de ce nouveau métrage signé Ulrich Seidl, réalisateur autrichien de "Import Export" et de la trilogie "Paradis" ("Amour", "Foi", "Espoir") qui nous plonge ici une nouvelle fois dans un monde sordide, avec un sens de la dérision dont il a le secret. Comme toujours le décor a son importance, tout comme la composition des plans, revêtant ainsi une signification que certains trouvent parfois trop appuyée, mais qui enfonce souvent le clou de points de vue politiques ou sociaux pertinents.
Les migrants sont ainsi omniprésents, seuls êtres humains dans les rues de Rimini, silencieux, regroupés ici, endormis là, dans le froid grandissant de cette station balnéaire italienne hors saison, bientôt recouverte de neige. Les autrichiennes, elles, occupent les hôtels de luxes, ou s’offrent en location la maison de leur idole, celui-ci allant loger ailleurs quelques temps. Quand elles ne s’offrent pas tout court l’homme, dans toute la fausseté de leur relation, impliquant argent, sexe plus ou moins bestial mais toujours triste, et compliments formatés. Seidl excelle dans cette peinture de la chair triste, utilisant ici des lieux particuliers, tel un hôtel désaffecté comme haut lieu de dépravation.
Donnant souvent dans l’ironie (les photos de nature qui ornent chacune des portes de la maison de repos dans lesquels sont enfermés les vieillards, le nombre de fans venant voir le spectacle de la « star », le nom d’un des hôtels qui est L’hôtel du soleil, alors qu’il vente, pleut ou neige...), le récit prend sa réelle dimension dans la rencontre du personnage principal avec celle qui prétend être sa fille, questionnant la capacité de ce personnage (incarné à la perfection dans sa décadence et sa tentative de faire revivre un passé supposé glorieux de crooner par Michael Thomas, vu chez nous dans la série "Rex, chien flic"), à s’intéresser à quelqu’un d’autre qu’à lui-même et à se projeter plus que regarder vers le passé. Un thème qui revient d’ailleurs de manière plus politique avec le personnage du père sénile, visiblement encore porté par des courants nauséabonds. Ulrich Seidl dépeint au final avec acuité une certaine forme de chant du signe d’une culture à laquelle la jeunesse semble tourner le dos, lui signifiant ainsi son caractère non irremplaçable.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur