CONCERNED CITIZEN
Cas de conscience
Ben vit en couple avec Raz, et tous deux planifient d’avoir un bébé via une mère porteuse. Lui est architecte, et trouve que leur quartier cosmopolite de Neve Sha’anan dans le sud de Tel Aviv est l’idéal pour élever un enfant. Mais lorsqu’il aperçoit deux hommes d’origine africaine s’appuyant sur le jeune arbre qu’il a lui même planté dans leur rue, après une tentative infructueuse pour le demander de s’écarter, décide d’appeler la police. En résulte en pleine nuit une interpellation musclée qui dégénère et mène à la mort d’un jeune immigré, dont la famille semble résider dans son immeuble. Malgré les conséquences apparentes de son geste, Ben décide dans un premier temps de se taire…
C’est sur le thème d’une petite routine qui se détraque peu à peu que Idan Haguel a construit son long métrage "Concerned Citizen", présenté dans la section Panorama du Festival de Berlin 2022. Celle-ci installe en effet le réveil type d’un couple gay israélien, avec la mise en route de leur aspirateur robot (un signe de confort financier indéniable…) et les passages obligés par la consommation d’un mix végétarien et le départ pour la séance de gym quotidienne. Derrière cette façade de relation de couple équilibrée (un repas avec un couple d’amis hétéros vient en témoigner…) et l’intérêt pour le cadre de vie ambiant (avec la plantation d’un arbre devenant presque symbole de l’enfant que le personnage principal désire voir grandir), ce sont tout de même des a priori sur les étrangers venus s’installer ici qui se dévoilent, au travers d’une efficace histoire de cas de conscience, que l’on peut voir à double sens : la capacité d’ouverture et de respect des autres, mais aussi la responsabilité en tant qu’homme face a la future paternité.
Comment, en effet, se regarder en face quand on n’est pas intervenu pour sauver un homme tabassé par des policiers ? Ben, va ainsi sortir de l’ombre (depuis laquelle il a observé la scène) à sa manière, cherchant tantôt de l'aide tantôt une justification à son "non acte". L’évolution du personnage est parfaitement amenée au travers d’un scénario qui met en avant le manque d’empathie du personnage (mais aussi d’autres) dans leur rapport aux autres. On donnera ici comme exemple le catalogue de mères porteuses que l’on feuillette tel un consommateur, le questionnaire de satisfaction sur l’intervention de la police, les investisseurs qui s’intéressent au quartier pour ce qu’il sera et non pas ce qu’il est... Grâce à son interprète principal légèrement détaché (Shlomi Bertonov, convaincant), et a une mise en scène signifiante mais qui n’abuse pas de la symbolique, le film parvient à dresser le portrait d’une sorte de figure christique (voir pour s'en convaincre le plan dans la douche, le pommeau servant d’auréole...), sur le chemin d’une potentielle ouverture aux autres, et pourquoi pas d’une forme de rédemption.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur