VOUS NE DÉSIREZ QUE MOI
Pour fans éperdus de Marguerite Duras (s’il en reste…)
Durant une interview se déroulant sur deux jours, l’écrivain Yann Andréa raconte à la journaliste Michèle Manceaux comment est née sa relation très spéciale avec l’écrivaine Marguerite Duras, évoluant de la fascination artistique vers la fascination amoureuse…
D’entrée, amusons-nous à tordre le sens du titre : ce film ne s’adresse qu’aux fans éperdus et transis du style durassien, à ceux qui ne jureraient que par lui, qui se sentiraient capables d’y puiser le summum de l’audace littéraire et filmique, blablabla… Eux seuls seront capables de se sentir concernés par ces 95 minutes de face-à-face verbal à sens quasi unique (l’un n’arrête pas de parler, l’autre se contente d’écouter), basées sur un événement véridique que la réalisatrice Claire Simon prendra soin d’expliquer en off juste avant de lancer le générique de fin. Un dialogue sur la passion amoureuse d’un jeune écrivain homosexuel pour l’oracle surmédiatisée du Nouveau Roman, sur les connexions intimes et artistiques qui se sont alors tissées entre eux, sur les conflits divers, sur les contradictions de l’une envers l’autre (la conversation n’esquive rien de la lecture morbide et douteuse de l’homosexualité selon Duras), et sur ce qu’il reste aujourd’hui de cette passion à visage multiple. Pour un non-fanatique de Duras, le résultat sera aussi passionnant à regarder qu’une carte postale de Neuphle-le-Château.
Cinématographiquement, le film ne se résume donc qu’à ça : une discussion qui s’éternise, parfois entrecoupée de quelques échappées en relation directe avec la patte documentaire de Claire Simon (en réalité des archives estivales et des extraits d’interviews de l’écrivaine) et de quelques extraits du seul film digne d’intérêt de Duras ("India Song"), mais durant laquelle suivre le verbe constitue le seul et unique enjeu. Certes, l’irruption récurrente d’une sonnerie de téléphone – on suppose que c’est Duras qui appelle – permet de suggérer une part de fausseté et/ou d’affabulation dans les déclarations de Yann Andréa (très bon Swann Arlaud), mais l’effet ressemble plus à un gimmick qu’autre chose. La force inespérée du film tient dans un quart d’heure durassien qui troue la narration en plein milieu, soit le moment où Emmanuelle Devos (ici dans le rôle le plus creux et le plus accessoire de sa carrière) rentre chez elle avant de repartir le lendemain pour continuer l’interview. Retour à la maison à pied dans une forêt, réécoute de bribes de la discussion sur le dictaphone, whisky à boire devant un feu de cheminée, sommeil réparateur entrecoupé de fantasmes érotiques (ici sous forme de peintures explicites) et de l’apparition d’un amant sous les draps (aussi jeune pour elle que l’est Andréa pour Duras !), jeu atmosphérique sur le son et les reflets, etc… Jolie imitation de la science durassienne qui, au moins, assure à ce petit entracte narratif un minimum d’impact sensoriel. C’est déjà ça.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
COMMENTAIRES
JOJO
lundi 21 février - 3h16
J’ai beaucoup aimé