SOUTERRAIN
Faux film catastrophe pour vrai coup de cœur
Dans la région d’Abitibi-Témiscamingue, tout le monde vit autour de la mine d’or qui nourrit les familles depuis des générations. Lorsqu’une violente explosion se produit, Maxime fait immédiatement partie des plus motivés pour venir aider ses camarades. Mais son entrain semble cacher quelque chose d’autre…
Des cris, du sang, des vomissements, une caméra virevoltante, des flous, des formes trop sombres pour les distinguer. L’agitation est totale ; la compréhension plus délicate ; on voit la mine d’or, on suppose l’accident et des destins funestes. Puis le spectateur est plongé deux mois avant le drame, à l’air libre, respiration alternée qui viendra sortir régulièrement le public de l’asphyxie. Nous sommes dans une petite ville de la région d’Abitibi-Témiscamingue, au Québec, une de celles où tout le monde se connaît, où les époux partent ensemble le matin au travail. Car dans cette contrée, toute la vie est organisée autour de la carrière où les hommes passent la plupart de leur temps, oubliant leur solitude et leurs tracas, quitte à y laisser leur santé, voire pire.
Dans cet environnement particulièrement viril, où la prise de conscience féministe ne semble pas encore avoir atteint les épaisses parois, on s’attend presque à un scénario linéaire de survie, bien macho et où la surenchère d’action nous tiendrait en haleine. C’est tout le contre-pied pour lequel va opter Sophie Dupuis, préférant l’intime au spectaculaire, les blessures intérieures aux stigmates sanguinolents. Son objectif va doucement se focaliser sur Maxime, un des membres de l’équipe de secours, probablement le plus motivé et excité à l’idée de venir porter assistance à ses camarades. Trop même pour avoir la conscience tranquille. Car derrière cet apparent héroïsme se cachent des troubles plus profonds, une culpabilité qui le ronge chaque jour un peu plus, une erreur dont il est difficile de se remettre tant elle a causé irrémédiablement du tort à un ami.
Récit sur une salvation, le métrage est un voyage étouffant au cœur de tunnels labyrinthiques où le moindre faux pas peut coûter la vie. Mais dans cet univers anxiogène, la cinéaste québécoise ne va que très peu s’intéresser aux corps dépéris, au sensationnalisme d’une telle situation, baladant sa focale au plus près des êtres, sondant leurs sentiments plutôt que la souffrance évidente. La mine se transforme en une caverne de Platon réinventée, où il n’est plus question de décrier l’obscurantisme mais de dresser un portrait anthropologique d’un microcosme où la tragédie supposée est loin d’être la plus visible. Si tout n’est pas parfait, notamment en raison d’une certaine artificialité, "Souterrain" est une vraie expérience cinématographique, mettant en lumière un jeune comédien, Joakim Robillard, qu’on devrait vite revoir à la surface.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur