JUSQU'À LA MER
La caméra-scaphandre et le regard-papillon
À la suite de graves accidents qui ont changé brusquement le cours de leur vie, les patients du service de réadaptation d’un grand hôpital athénien luttent pour revenir à une existence autonome. Partagés entre fol espoir et lucide acceptation, ils nous emmènent au cœur même de la condition humaine…
« Je rêve d’un film qui fera rire et pleurer avant de faire réfléchir, qui fera rentrer le spectateur dans la peau des protagonistes, qui le mettra, pendant 90 minutes, dans un lit d’hôpital ». Cette revendication du réalisateur, issue du dossier de presse, scelle d’autant plus le destin de ce film que le verbe « rêver » est celui qui raisonne le plus. Autant cette phrase peut tout à fait convenir à propos d’une œuvre de fiction sensitive et subjective à la manière du "Scaphandre et le Papillon" de Julian Schnabel (le premier exemple digne de ce nom qui nous vienne en tête…), autant elle apparaît un peu vaniteuse au regard d’une mise en scène documentaire qui s’accroche à des partis pris extrêmement terre-à-terre en oubliant d’utiliser les raccords de montage comme des outils sensitifs. Pour schématiser le problème, il ne suffit pas de montrer pour faire ressentir un état physique ou psychologique, tout comme il ne suffit pas de placer basiquement un personnage au centre d’un cadre pour se sentir immédiatement familier de sa psyché et de sa fragilité.
Il résulte donc de cela une énième plongée en apnée dans un hôpital (qu’il soit athénien ou pas est un détail anodin, la réalité sociale grecque n’offrant ici aucune plus-value), à peu près aussi concrète et objective qu’un numéro d’Envoyé Spécial, mais dont la faculté d’immersion ne va pas au-delà de la liste des cases à cocher. En vrac : les réunions entre médecins, les diagnostics avec les patients, l’accompagnement médical jour après jour, l’implication des familles, etc… C’est sur cette mise en scène concrète et tout sauf abstraite que le film sait émouvoir, les caractères qu’il capte et les émotions qu’il enregistre étant on ne peut plus tangibles. De même que le travail sur le son et la musique est ici la seule audace cinégénique de la chose : souvent accrocheur, voire même parfois générateur d’une atmosphère un peu planante qui fait se suspendre le temps. Pour autant, on aura beau admettre que la force d’un documentaire réside dans le point de vue objectif d’un réalisateur qui sait garder sa place, sa mise en application sur grand écran n’en reste pas moins corollaire de choix sensitifs et symboliques adéquats, histoire que le sujet traverse l’écran et atteigne intimement sa cible. Ce sera là notre seul diagnostic.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur