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LA MORT DU CINÉMA ET DE MON PÈRE AUSSI

Un film de Dani Rosenberg

Mise en abîme des derniers jours

Un réalisateur israélien décide de faire un film sur son père. Il veut que ce dernier joue son propre rôle. Alors que le tournage a commencé, le père est trop malade pour pouvoir continuer. Mais le fils ne veut pas arrêter le tournage. Il veut continuer, il s’entête et il s’échine à rejouer sans cesse les scènes de sa vie, comme pour les exorciser, ou simplement les comprendre…

La mort du cinéma et de mon père aussi film movie

"La mort du cinéma et de mon père aussi" illustre parfaitement une chose : l’art peut servir à comprendre, à faire sens, à tenter de percer les mystères des relations humaines, en donnant à revoir et à revivre des situations et des échanges entre les êtres. Partant d’une matière brute et réelle, plus ou moins stable (sa relation avec son père, ses souvenirs et les enregistrements qu’il a de leurs conversations), Dani Rosenberg recompose les derniers moments qu’il a vécu avec lui jusqu’à sa mort. Comme il est réalisateur, il se sert de tous les outils qu’il a à sa portée pour tenter de faire sens de cette relation difficile, en particulier de la mise en abîme. Il crée donc des doubles, des doubles de lui-même, mais surtout des doubles de son père et de sa mère.

La force du film est que les comédiens s’effacent totalement derrière leur rôle, pour donner complètement corps à cette relation familiale, dans sa violence, sa douleur et sa sincérité. Mais ils ne se content pas de bien jouer la comédie, de bien mentir et de bien faire croire. Ils apparaissent également en tant qu’acteurs qui par leur vécu et leur compréhension de leur rôle, apportent une couche interprétative à cette relation, l’approfondissant et l’amplifiant. La mise en abîme crée alors une sorte de caisse de résonance pour cette relation, certains se laissant submerger par une histoire qui n’est pas directement la leur mais qui résonne en eux de façon singulière et profonde.

Dani Rosenberg se sert de deux autres outils du cinéma qui renforcent la mise en abîme mais qui rendent également le film plus confus : le montage non chronologique et les différents profils et formats d’image. En effet, dans "La mort du cinéma et de mon père aussi", se succèdent d’un côté le quotidien du réalisateur qui tente de faire son film, alors que sa vie familiale bat de l’aile et qu’une crise politique menace le pays, et de l’autre les éléments du film qu’il tente de faire. Un film où il met en scène son père qui réagit à ces mêmes évènements. Et la confusion augmente quand les acteurs rencontrent ceux qu’ils sont censés interpréter, ou que le profil d’image indique que nous sommes dans le documentaire sur le tournage, alors que nous sommes en fait à l’intérieur du film.

L’œuvre de Dani Rosenberg est criante de vérité et d’intimité. Sa première vision est complexe et aride, quoique hautement sensible et émotionnelle. C’est un film à digérer, à méditer. Un film qui fait réfléchir sur le pouvoir du cinéma à maintenir vivant. C’est également un film qui montre à quel point une image n’est jamais neutre, qu’elle est toujours porteuse d’un point de vue, d’une certaine compréhension et interprétation.

Enfin, pour conclure peut-être, ce film fonctionne à l’encontre même de son titre, car il affirme le potentiel de vie du cinéma qui par le mensonge et l’illusion parvient à capturer sans figer, quelque chose de l’éphémère d’une identité et d’une relation entre un père et son fils.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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