BARBAQUE
Un vrai délice d’humour noir avec un vrai fond
Sophie est fatiguée de l’attitude de son mari Vincent, boucher, plus attentif à sa viande qu’à elle. Cela fait en effet longtemps qu’ils n’ont pas baisé, et leur boucherie ne rapporte pas beaucoup en comparaison avec leurs amis qui font dans l’industriel. Après que leur boutique ait été saccagée par un commando anti souffrance animale, ils tuent par accident l’un de militants. Découpant le corps, afin d’en jeter les morceaux parmi les surplus de la boucherie, Vincent découvre que sa femme en a vendu quelques tranches à la façon d’un jambon, dont le fameux goût crée immédiatement un bouche à oreille considérable…
On pourrait ne voir dans le fameux "Barbaque" qu’une comédie noire, à l’humour décapant et borderline, faisant d’un boucher et de sa femme, au bord de la séparation et de la faillite, un couple de tueurs de végans, ceux-ci devenant un met recherché, dénommé « porc d’Iran » par le boucher un peu pris au dépourvu. Mais le film dénonce avec malice, en épaississant volontairement le trait, à la fois la fascination pour les faits divers sordides (le personnage de Marina Foïs passe son temps à regarder les documentaires sensationnalistes sur divers serial killers à la télévision), comme le véganisme devenu religion intégriste.
Avoir réussi à embarquer Christophe Hondelatte lui-même, comme présentateur de portraits d’assassins aux doux surnoms plus évocateurs les uns que les autres, alors qu’il est le présentateur de "Faites entrer l'accusé" depuis 2000, constitue un clin d’œil savoureux en soi. Parvenir à souligner, avec un sadisme fictif mais réjouissant, les contradictions d’un courant qui au-delà d’un choix personnel devient parfois intolérant envers tout autre mode de vie, est un exploit en soi en ces périodes de bien-pensance généralisée. Politiquement très incorrectes, certaines scènes sont ainsi vouées à devenir cultes, du premier repas avec un futur gendre faussement ouvert aux régimes des autres, aux questions judicieusement posées dans un restau végane (« pourquoi vous proposez de la saucisse de tofu » ?) traduisant certaines frustrations auto-imposées.
Marina Foïs s’en donne ici à cœur joie en femme de boucher bien plus sadique que son mari, savourant le cannibalisme et la chasse comme mode de vie. Fabrice Éboué (que l’on a vu jusque là dans "Case départ" et "Tout simplement noir") incarne l’hésitation du mari basculant vers un autre mode d’épanouissement de son couple. Quant au duo Virginie Hocq et Jean-François Cayrey, ils interprètent avec aplomb un couple de parvenus écœurants à souhait, ne raisonnant que par rapport à l’argent. Bourré d’idées provocantes, plutôt bien ficelé en ce qui concerne l’évolution des personnages, parfaitement dosé niveau humour, "Barbaque" se révèle en comédie parfaite de noirceur.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur