LAS NIÑAS
Émancipation adolescente dans un pays en pleine mutation
1992, à Saragosse, en Espagne. Celia, 11 ans, vit avec sa mère. Étudiant dans un collège religieux pour filles, elle fait la connaissance de Brisa, nouvelle venue arrivant de Barcelone, qui vit chez sa grand-mère et serait orpheline. Lui apprenant les groupes de musique, celle-ci va l’entraîner dans le monde de l’adolescence…
Le premier long métrage de Pilar Palomero, "Las niñas", passé par la Berlinale 2020 dans la section Generation, sort enfin sur les écrans français, auréolé de ses 4 Goyas 2021, dont ceux du meilleur film, du nouveau meilleur réalisateur et du meilleur scénario original, ainsi que de son prix du meilleur premier film au Festival de cinéma espagnol de Nantes 2021. Sans doute quelque peu surestimé, le film, qui creuse un sillon maintes fois exploité, n’en constitue pas moins un beau portrait d’adolescentes, dans une Espagne alors en pleines mutations politique et sociale. En plantant le décors autour de deux personnages de jeunes filles, l’une vivant avec sa mère, l’autre avec sa grand-mère, devenant amies dans un collège mené par des bonnes sœurs, c’est naturellement le vent de l’émancipation qui va souffler, au mépris du mensonge ou des règles posées par les adultes.
Jouant d’emblée sur le contraste entre la liberté de Brisa (la nouvelle venue) et la sagesse enfantine de Celia, les leçons de chasteté et la sensualité qui s’affirme, les lectures de magazines et celle du Kamasutra, la réalisatrice s’attarde sur des détails qui marquent la rébellion en cours : le blanc correcteur comme vernis à ongle, les préservatifs devenus jeu et servant de gants, l’alcool comme tentative… Dévoilant l’aspect rétrograde et hypocrite de l’enseignement, entre une professeur aimant humilier ses élèves et un prêtre qui fume en douce, elle se met le spectateur dans la poche, permettant rapidement l’identification avec ses personnages.
Virant progressivement au drame, son récit séduit par sa capacité à saisir la prise de conscience d’un pouvoir de séduction (voir la scène de la soirée, où s’exprime toute la violence du rejet…) comme la nécessité, pour se construire, d’adultes capables de s’adresser à eux comme à des grandes personnes. Doté d’un casting de jeunes actrices toutes impeccables, "Las niñas" se termine comme il a commencé, autour d’une chorale, sans voix au début, l’héroïne parvenant à chanter à la fin. Comme si celle-ci avait, au fil du récit, trouvé sa voix… ou sa voie.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur