LE DERNIER DUEL
La surprenante et efficace alliance de l’action et du fond
Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, sont deux amis ayant combattu aux côtés l’un de l’autre en 1373. A leur retour en Normandie, ils prêtent tous deux allégeance au Comte Pierre d’Alençon, leur nouveau seigneur. Mais alors que Le Gris devient un homme influent, gagnant la confiance du Comte, De Carrouges, qui convole en noce avec Marguerite, se retrouve lésé de terres de valeurs qui faisaient partie de la dote de sa fiancée, mais deviennent propriété de Le Gris. Commence alors une rivalité qui les mènera en 1386, à s’affronter dans un duel équestre…
Présenté hors compétition au dernier Festival de Venise, où un hommage était rendu à Ridley Scott, "Le dernier duel", permet d’aborder deux sujets déjà au cœur de nombreuses productions depuis l’affaire Weinstein : l’abus de pouvoir et le viol . Traitant aussi par là même de la place de la femme, dans une époque médiévale principalement représentée comme un monde d’hommes, entre pouvoir héréditaire des seigneurs, jeux de positionnement vis à vis de la cour, et guerres diverses, le film parvient à replacer mine de rien, le personnage de Marguerite comme « propriété » du mari, risquant finalement autant que celui qu’elle accuse de par sa décision de parler haut et fort.
Le réalisateur culte de "Thelma et Louise" et d’"Alien" nous replonge au passage dans un film d’époque, lui qui avait déjà mis en scène des péplums (le génial multi-oscarisé "Gladiator" et le décevant "Exodus : Gods And Kings"), mais aussi côté médiéval "Robin des bois" et "Kingdom of Heaven". Il trouve ainsi un juste équilibre entre scènes d’actions violentes et immersives, approche tactique, et récit plus intimiste que le sujet impose en partie. Ayant réuni à cette occasion les complices Matt Damon et Ben Affleck, au scénario en collaboration avec Nicole Holofcener (ils avaient trouvé la consécration en écrivant ensemble "Will Hunting" de Gus Van Sant), mais aussi devant la caméra (puisque Ben Affleck interprète le libertin Comte d'Alençon), il parvient avec acuité à traiter d’un sujet délicat tout en assurant le divertissement.
Adaptation du roman d’Eric Jager (Le Dernier Duel : Paris, 29 décembre 1386), le film s’ouvre sur les préparatifs du duel entre les impeccables Matt Damon et Adam Driver, en forme de joute équestre. Il se construit ensuite en flash-back chapitrés, permettant de présenter plusieurs points de vue sur les mêmes événements, avant de revenir sur la scène clé du duel, prenant alors une toute autre dimension. Cette scène s’avère d’ailleurs particulièrement exaltante, vous figeant au fond du fauteuil par la maestria de la mise en scène, mais aussi par le poids des enjeux non seulement pour les deux cavaliers, mais aussi pour la femme. En soi, cela suffit à qualifier "Le dernier duel" de grand film d’action, dont le fond s’avère particulièrement pertinent, montrant par de subtiles parallèles, que les abus sexuels ont toujours eu les mêmes racines (pouvoir, argent, situation, coutumes) et la parole de la victime a toujours été minimisée pour les mêmes motifs (réputation, complications, tentatives de découragement…).
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur