L'INVRAISEMBLABLE LÉGÈRETÉ D'OSCAR
Une fable entre légèreté et gravité
Dans l’hôpital d’une petite ville italienne, Natalia, accompagnée par sa mère, accouche de son premier enfant. Au moment de l’expulsion, le bébé est si léger qu’il se met à flotter dans l’air, tout en étant retenu par le cordon ombilical. Les deux femmes quittent rapidement les lieux et vont élever le petit Oscar à l’abri des regards…
Sortie le 1er novembre 2019 sur Netflix
Les premières séquences posent rapidement le contexte : le récit se déroule dans une société italienne imprégnée de traditionalisme et de religion, dans laquelle tout écart est soumis au jugement d’autrui. Il est donc rapidement clair que l’invraisemblable bébé flottant n’est qu’une métaphore pour évoquer l’intolérance et la pression sociale.
Le petit Oscar n’est au départ qu’une extension de sa mère, d’abord charnellement (voir la scène de la naissance avec le cordon qui le retient), ensuite symboliquement car on apprend vite que Natalia est une mère célibataire et on ne connaîtra jamais l’identité du géniteur (une inquiétante et mystérieuse séquence semble par ailleurs suggérer que ce fils est la conséquence d’un viol, dont la réalité ne peut qu’être tue dans une société qui ne serait pas à l’écoute de la victime). La grand-mère devient quant à elle, à travers ses reproches et ses craintes mais aussi ses efforts de protection, le reflet de l’hypocrisie généralisée, avec ce décalage entre ce qui est accepté (voire aimé) dans le cercle intime et ce qui est dévoilé publiquement.
Tout est donc affaire de dissimulation et de confiance, dans cette histoire où Oscar passe sa vie à s’éclipser, à bifurquer, à fuir, au point de faire une croix sur ses libertés et sur sa vie sociale. Au fur et à mesure que le film avance, la fable est tantôt sombre et critique, tantôt tendre et poétique. Exploitant plusieurs analogies (les super-héros, le handicap, les phénomènes de foire, les prostituées), "L’Invraisemblable Légèreté d’Oscar" se construit donc sur une tonalité douce-amère, mélangeant habilement l’espoir et la mélancolie, comme pour rappeler qu’il est à la fois merveilleux et douloureux de ne pas être conforme aux normes.
Remarquons pour conclure que le titre original aurait pu être traduit littéralement puisque le mot italien « gravità » possède la même polysémie que son équivalent en français : Oscar est ainsi un « homme sans gravité » pour son côté « gonflé à l’hélium » mais aussi pour son insouciance, pour cette innocence enfantine qui ne le quitte pas à l’âge adulte (matérialisée aussi par le sac à dos rose que sa copine d’enfance lui a offert et qu’il conserve toute sa vie). Notons toutefois qu’il demeure dans le titre français ce sens de l’ambiguïté poétique avec la supposée « légèreté » d’Oscar et de son histoire. Pas un mauvais choix donc…
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur