L'ÉVÉNEMENT
Une piqûre de rappel nécessaire
En 1963, Anne est étudiante en littérature. Un peu farouche, elle se méfie des dragueurs en tous genres, tels que les pompiers qui traînent dans les soirées étudiantes. Pourtant, lors d’une visite chez le médecin, elle apprend qu’elle est enceinte. Une situation qu’elle n’accepte pas, souhaitant pouvoir continuer ses études. Elle va alors tout faire pour avorter, ce qui est alors condamné par la Loi…
Pour son second long métrage après "Mais vous êtes fous", Audrey Diwan, également connue pour être scénariste des films de Cédric Jimenez, tels "Bac Nord" et "Aux yeux de tous", s’intéresse à un sujet semblant acquis en France : le droit à l’avortement. Un droit rudement conquis par les femmes au milieu des années 70, face à la droite conservatrice et aux puissances religieuses, la Loi l’autorisant ayant été fameusement portée par Simone Veil. Un droit aujourd’hui que certains tentent clairement de remettre en cause, alors que d’autres pays comme la Pologne, reculent même sur le sujet. "L'événement", en cela, constitue une essentielle piqûre de rappel en replongeant son personnage principal dans le contexte des années 60, montrant ainsi toute la difficulté pour une jeune femme à disposer de son corps.
En cela l’installation est très réussie, présentant par petites touches le sort attendant globalement la Femme : une élève est par exemple évoquée, son mariage entraînant l’arrêt de ses études... Puis c’est face au mur médical que la jeune femme se heurte, le film dénonçant avec habileté les trahisons de médecins anti-avortement sortant clairement de leur rôle. Le reste du récit oscille entre l’isolement progressif du personnage, enfermé dans son propre silence, la tentation de l’avortement clandestin et ses dangers, la tension augmentant progressivement.
Certes le film n’a pas la nervosité d’un "4 mois, 3 semaines et 2 jours" (palme d’or à Cannes en 2007), avec sa caméra de l’épaule et son urgence permanente, car Audrey Diwan, adaptant ici le roman éponyme d'Annie Ernau, a choisit un rythme différent et une autre approche plus clinique, chapitrant par nombres de semaine de grossesse (en typo rouge comme une alerte) et prenant le temps de s’attarder tout de même au passage sur l’entourage de son personnage central, ses relations avec ses deux meilleures amies qui se délitent, sa proximité avec ses parents dont une mère (Sandrine Bonaire, touchante) qui s’interroge. Avec quelques scènes choc et surtout une jeune interprète épatante (Anamaria Vartolomei, vue notamment dans "La Bonne épouse" et "L’Échange des Princesses"), le film fait mouche et a même convaincu le jury de Bong Joon-ho de lui délivrer le Lion d’or du Festival de Venise 2021.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurÀ LIRE ÉGALEMENT
COMMENTAIRES
soleil
mercredi 6 mars - 3h24
ce film m'a beaucoup touchée. heureusement qu'il y a eu Simone WEILS. que de drames a une époque ou la femme n'avait pas le droit de disposer de son corps.