UNE HISTOIRE D’AMOUR ET DE DÉSIR
Portrait sensible d’un jeune homme en devenir
Ahmed est un jeune étudiant français d’origine algérienne. À la fac, en cours de littérature arabe, il fait la connaissance de Farah, jeune femme tunisienne venue en France pour suivre les cours à La Sorbonne. Entre-eux le courant passe immédiatement, mais Ahmed hésite a transformer l’amitié naissante en une relation plus intime…
Partant du constat que les récits initiatiques au cinéma étaient surtout centrés sur des personnages féminins, la réalisatrice Leyla Bouzid a voulu faire le portrait d’un jeune homme, hésitant et timide, n’allant pas à la même vitesse que sa potentielle partenaire. Passé par la Semaine de la critique de Cannes, où il faisait la clôture, le film a gagné fort justement en notoriété en remportant le Valois de Diamant (meilleur film) au dernier festival du film francophone d’Angoulême.
Érotisant d’emblée le corps de ce garçon, à la fois fin et beau, par un jeu de plans au travers d’une vitre, laissant entrevoir celui-ci en train de se doucher, la réalisatrice décrit ensuite les atermoiements du jeune homme, donnant à voir la fébrilité lors de moments de promiscuité, la peur d’avouer son inexpérience, ou la difficulté d’exprimer le mélange de pulsions et d’hésitations. Son héros, formidablement interprété par Sami Outalbali (qui a reçu le Valois du meilleur acteur au festival d’Angoulême) incarne aussi toute la difficulté d’une génération qui a du mal à se positionner, à la croisée de deux cultures, entre questions de transmission, parfois non assurée (la langue arabe…) et poids des attendus d’une communauté codifiée (autorité sur la sœur, préoccupation pour la réputation…).
Gérant avec habileté des transitions qui marquent l’état psychologique de son personnage, incarnant par de belles idées de mise en scène le désir (la scène de lecture érotique…), usant de jolies paraboles dans les dialogues, Leyla Bouzid casse les idées reçues, rappelle l’existence d’une culture arabe ouverte au monde, aux autres et au corps, tout en dressant le portrait d’une jeunesse où les femmes sont fortes et indépendantes. Elle entoure d’ailleurs son personnage de ces figures féminines puissantes, de la mère compréhensive, à la sœur révoltée et libre ou la copine qui sait ce qu’elle veut, en passant aussi par la professeure, directe dans ses paroles, qui sert quelque part ici de boussole bienveillante. Un portrait d’un jeune homme en devenir tout juste magnifique.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur