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Festival d'Annecy 2021 : Regard sur la Compétition courts-métrages – Partie 4
Pas de ligne directrice particulière à relever dans cette quatrième section, relativement disparate et inégale. Au moins, un énorme coup de cœur a réussi à se glisser dans la liste…
Territoires chinois
Premier court de cette quatrième section, "Le Réveil des insectes" de Stéphanie Lansaque et François Leroy tombe pour le moins à pic au moment même où "La Nuée" de Just Philipot sort en salles. Parce qu’il est encore question d’insectes là-dedans, avec une évolution parfois cruelle et sanglante au fil des virages narratifs. Cette histoire d’exorcisme située à Hong Kong alterne les séquences en vue réelle et les incrustations de personnages animés, tant et si bien qu’on ne sait plus trop si l’ensemble a été shooté en vue réelle puis retravaillé en postproduction. Ni coup de maître ni coup dans l’eau, juste une curiosité efficace qui tient en haleine juste ce qu’il faut.
De son côté, "Huang Jin Chi Ren La" prend lui aussi racine en Chine, mais consiste cette fois-ci à mettre en scène l’avidité et l’individualisme de l’être humain au travers d’une peinture chinoise animée et cadrée en conséquence. Visuellement inspiré dans ses audaces plastiques (les apparitions de bulles et d’idéogrammes séduisent l’œil) mais un peu trop succinct pour ne pas friser l’exercice de style.
De l’exercice de style
En matière d’exercice de style, "Nuit de Juin" déçoit énormément. Juxtaposant des images d’archives à une animation réalisée à la main, ce court canadien se borne surtout à incruster la silhouette papier de Buster Keaton dans un paysage naturel très indiscernable. A cheval entre le manifeste écolo pas très clair et la bidouille expérimentale sans grand affect, le résultat stimule d’autant moins que la présence de Keaton nous force à tenter d’y déceler son génie absolu du slapstick, ce qui n’est hélas jamais le cas au sein de cette animation on ne peut plus tourbillonnante.
Quelques films envoûtants
"Hold me tight" fait infiniment plus d’effet avec sa parade nuptiale explosive dans une forêt plongée dans la nuit. Sensuel et sauvage à la fois, intemporel de par l’absence de curseur spatial ou chronologique, ce court saisit par sa dichotomie colorimétrique : les signes de la passion sont en effet illustrés par la couleur tandis que les silhouettes restent animées par la noirceur. Sous un certain angle, et peut-être pour des raisons purement plastiques, on s’étonne parfois d’y retrouver un peu de la magie visuelle des films de Michel Ocelot – fort heureusement sans la dimension lourdement pédago propre à l’auteur de "Kirikou et la Sorcière". C’est beau, c’est envoûtant, on est séduit.
Même verdict positif sur "L’Art dans le sang" de Joanna Quinn, qui fait ressurgir ce trait de crayon brouillon et vibrant à la Bill Plympton. On ne cite pas le réalisateur des "Mutants de l’espace" pour faire joli, car on retrouve aussi là ce goût des sous-entendus sexuels et des perspectives corporelles déformées qui le caractérise. L’irrévérence surgit parfois autour de quelques scènes qui mettent en avant l’excentricité artistique d’une famille anglaise particulièrement siphonnée, du genre à faire passer les prolos injurieux de Ken Loach pour des bourgeois coincés de Neuilly-sur-Seine !
Quant à "Horacio" de Caroline Cherrier, il séduit par sa construction en flash-backs (entremêlant un meurtre, un procès, un séjour en prison et une libération), ses transitions efficacement gérées et sa propension à user de l’humour décalé pour amplifier l’enjeu dramatique au cœur du récit. Du coup, on excuse sans souci la qualité très moyenne de son animation.
Un gros coup de cœur
Le coup de cœur que l’on évoquait plus haut était relativement pressenti. Sorte de projet colossal d’animation en 8K, "Opera" d’Erick Oh évoque presque une installation destinée à être projetée sur un mur de très grande envergure. Sur cinq minutes qui fonctionnent comme une boucle se déroule un cycle de la vie d’une gigantesque pyramide, constituée de mille micro-détails impossibles à englober en une seule vision, et où notre œil est constamment sollicité. Un peu comme une mosaïque dantesque qui reproduirait le mythe de la tour de Babel à l’échelle d’un plan unique et d’une durée très courte. En l’état, c’est une claque. Et elle est monumentale.
La foire aux déceptions
Enfin, la foire aux déceptions trouve de quoi se remplir avec les deux derniers courts de la section. Déjà présenté à la précédente Berlinale, "Vadim Na Progulke" renoue avec cette tradition immuable de l’enfermement dans le cinéma d’animation contemporain. Concept mille fois exploité, inventivité plus que limitée, voix-off pompeuse, musique synthétique qui met nos tympans à rude épreuve… Sans parler d’une animation approximative et brouillonne dont on n’est clairement pas client.
Enfin, "Shapes.colours.people and floatingdown" appelle à la mise en garde. Que vous ayez lu son synopsis ou pas avant de le voir ne change rien à l’affaire : cette « purée de patates colorées » que revendique son réalisateur anglais définit avant tout l’animation de ce truc. Ça mélange les couleurs et ça abuse des cassures sonores à la manière d’un autiste qui appuierait sur toutes les touches d’un synthé détraqué tout en lâchant des pets à intervalles réguliers. C’est bon, vous visualisez ? En vrai, c’était encore pire.