KODACHROME
Avant qu’il ne soit trop tard
Matt reçoit la visite de Zoe, l’infirmière personnelle de son père, Ben, qu’il n’a pas vu depuis plus de dix ans et pour qui il n’a aucune estime. Elle lui apprend qu’il est atteint d’un cancer et qu’il n’en a plus pour longtemps. Photographe réputé, Ben n’a apparemment plus qu’un souhait : que son fils l’accompagne jusqu’au Kansas pour faire développer de vieilles pellicules Kodachrome dans le seul laboratoire qui les traite encore et qui est sur le point de fermer…
Sortie le 20 avril 2018 sur Netflix
L’ensemble peut paraître assez classique dans la forme et on a d’abord peur de regarder un film fade. Pourtant, on se rend compte que l’essentiel est dans les personnages, que le film prend le temps de les construire et de les faire évoluer, et que la réalisation sobre permet justement de les mettre en valeur. Mieux : en évitant toute stylisation tape-à-l’œil, "Kodachrome" s’efface avec humilité derrière l’hommage qu’il rend à la photographie argentique. Mark Raso et son équipe se contentent d’opter pour la simplicité et, fort logiquement, pour la chaleur d’une pellicule Kodak 35 mm – information bien mise en avant dans le générique de fin, faisant presque de ce choix technique un personnage à part entière.
Les effets de style restent donc discrets, comme avec ce beau plan montrant l’arrivée de la voiture de Ben dans le reflet d’un miroir brisé posé sur le trottoir où Matt attend, réunissant alors le père et le fils dans le même plan tout en insistant sur leur inexorable séparation. À défaut d’être formellement novateur, le film propose, sans prétention, quelques dialogues réfléchissant à la notion de regard.
La disparition d’une époque – celle de l’âge d’or de la photo argentique – est certes présentée avec nostalgie plutôt que mélancolie. En abordant le sujet en parallèle avec des thématiques plus universelles (la maladie et la mort, les regrets et rancœurs…), "Kodachrome" encourage finalement les protagonistes comme le public à aller de l’avant, à reconstruire, à saisir les opportunités, à profiter du présent. Au final, même sans être un chef d’œuvre et même en ayant quelques coups de mou, ce long métrage fait du bien.
Si le dénouement est plutôt facile à anticiper (au moins en partie), cela n’empêche pas l’émotion de pointer son nez. On ne regrette donc pas d’avoir fait ce voyage par procuration, d’autant que le casting s’avère à la hauteur des personnages, Ed Harris en tête, une fois de plus épatant dans ce rôle de photographe star qui cache sa sensibilité sous des apparences de « connard » (c’est son fils qui le dit et il ne nie pas).
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur