MISSION PARADIS
Bon voyage
Scotty, Matt et Mo sont trois jeunes adultes encore vierges qui n’en peuvent plus d’attendre d’avoir leur première expérience sexuelle. Malgré leurs handicaps respectifs (le premier est aveugle, le second est paraplégique, le troisième est tétraplégique), ils décident de prendre la route en direction d’une maison close de Montréal. Accompagnés par une femme obèse qui sera leur chauffeur, ils vont vivre un voyage qui les transformera et les révélera en profondeur…
Se demander si "Hasta la Vista" – comédie belge de Geoffrey Enthoven tirée d’une histoire vraie et sortie en 2012 – avait vraiment besoin d’un remake appelle évidemment une réponse négative. Mais quand un sujet pas trop ancré dans la culture européenne ne présente aucun risque d’exportation (et tous les avantages en matière de rentabilité pour un effort minimum), il ne faut pas tarder à voir quelqu’un rebrancher la photocopieuse. Les seules différences notables tiennent ici dans le choix de la destination sexuelle (autrefois un night-club de l’Espagne, désormais une maison close du Québec… pas sûr que ce soit aussi caliente !) et l’ajout d’une bande-son dance-rap pour mieux épicer la caractérisation de nos trois protagonistes (on en prend le pouls dès la scène d’ouverture très clip RnB dans l’âme).
Pour le reste, rien ne change : le corps féminin et les plaisirs de la chair comme absolus à atteindre, les péripéties qui ajoutent à la richesse des héros au lieu d’injecter des grains de sable à répétition, le trajet humain où chacun se révèle dans toute son humanité (pas d’angélisme ni de voyeurisme dans le regard porté sur les handicapés), les dialogues crus où rien n’est éludé, la conductrice en surpoids qui finira par devenir le love-interest de l’aveugle de la bande (Gabourey Sidibe remplace ici Isabelle De Hertogh), la destination qui finit par être moins importante que le chemin (ce qui demeure une convention du road-movie), la mise en scène qui tire constamment profit du format Scope, on en passe et des meilleurs…
L’intérêt du film – comme celui de son prédécesseur – tient tout entier dans une légèreté qui sert de paravent à une profondeur de plus en plus tangible au fil des étapes du trajet, le tout sans ce pathos très casse-pieds qui n’aurait pas manqué d’abîmer les belles intentions du projet. Au fond, c’est un peu la recette gagnante d’"Intouchables", mais appliquée à un ton plus cru et frontal qui renvoie assez souvent aux comédies douces-amères de John Hughes. Génialement interprété et finement dialogué, ce feel-good movie est toutefois à double tranchant : plus ou moins inutile et sans surprise pour tous ceux s’étant déjà coltiné le film original, mais tout à fait recommandable pour les néophytes. La garantie d’un bon voyage est en tout cas au rendez-vous. On notera aussi le plaisir de revoir dans un petit rôle la trop rare Janeane Garofalo ("Entre chiens et chats") qui, même quand ce n’est pas volontaire, a toujours l’air ironique quand elle lâche une phrase !
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur