NOBODY
Besoin d’un justicier : Better call Bob !
Hutch est un père et un mari qu’on pourrait facilement qualifier de trop gentil. Il ne dit jamais de mal des autres, ne prend pas position durant les débats, encaisse les coups sans jamais les rendre. Même lorsqu’un cambriolage se déroule dans sa maison, il ne bouge pas, reste impassible, ou lâche selon le point de vue son fils. Et c’est peut-être l’évènement de trop, celui qui va réveiller en lui une personnalité qu’il a trop longtemps chercher à cacher…
Cela faisait cinq ans que nous n’avions pas eu de nouvelles du réalisateur Ilya Naishuller, auteur du film d’action – SF en caméra subjective, "Hardcore Henry", sorte de jeu vidéo sur grand écran qui avait séduit les aficionados du genre. Si le résultat souffrait de choix esthétiques douteux et d’un scénario prétexte à son concept, le métrage avait eu au moins le mérite de détonner. Voir le cinéaste revenir avec Bob Odenkirk (l’inimitable Saul Goodman des séries "Breaking Bad" et "Better Call Saul"), dans le rôle principal d’un actioner bien viril titillait ainsi une nouvelle fois notre curiosité. Et cette fois, les ressorts narratifs sont mieux maîtrisés, nous offrant un spectacle particulièrement jouissif et divertissant.
La caméra s’intéresse à Hutch Mansell, le « nobody » du titre, un homme quelconque, menant sa vie tête baissée, sans chercher les problèmes ou les affronter. Comme le suggère le montage répétitif des premiers instants, sa vie est rythmée par la monotonie d’un quotidien dans lequel il se complaît, lui, le père de famille et mari fidèle. Une nuit, des cambrioleurs pénètrent par effraction dans ce foyer aimant, repartant avec un butin ridicule. Le patriarche n’a pas bougé, préférant éviter toute surenchère de violence et estimant protéger les siens avec un tel comportement responsable. Sauf que son fils le considère comme un lâche, sa femme ne semble plus le considérer, et lui-même se questionne. Alors un soir dans le bus, lorsqu’il voit des marioles jouer aux durs, il se lève, les regarde, et assène les premiers coups de poings. La bête est réveillée.
Il paraît qu’il n’est pas bon de garder des choses enfouies. "Nobody" en est la preuve popcornesque. Et ce n’est certainement pas l’armée d’un narcotrafiquant russe qui dira le contraire, chacun de ses sbires se retrouvant malmené par le héros devenu une sorte de "John Wick" bis. La comparaison n’est pas le fait du hasard, David Leitch, papa de la saga avec Keanu Reeves, se retrouvant ici à la production, tandis que les deux projets partagent le même scénariste, Derek Kolstad, et le même goût pour les castagnes inspirées des comics, avec ce que cela implique d’abus et d’excès. Si les chorégraphies sont plus simplistes dans ce métrage, les voir exécutées par un Bob Odenkirk à contre-emploi renforce totalement le plaisir qu’elles procurent. Décomplexé, généreux, ce film d’action respecte parfaitement son cahier des charges d’amusement pop et outrancier, où l’hémoglobine coule à flot et où l’intérêt n’est pas dans un artificiel suspens quant au sort de son protagoniste, mais bien dans la manière et le nombre d’assaillants qu’il va pouvoir repousser. Sur ce point, on n’est pas déçu !
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur