A GOOD MAN
Le long chemin vers l’acceptation
Aude et Benjamin vivent ensemble depuis 6 ans. Benjamin est aide soignant, mais c’est Aude qui lui fait régulièrement des piqûres. Aude ne pouvant pas avoir d’enfant, leur décision est finalement prise : c’est Benjamin qui portera le bébé, quitte à faire une pause dans sa transition…
Qu’est-ce qui fait qu’une personne transgenre homme peut se sentir enfin bien dans sa peau ? Le personnage de Benjamin y répond au cours du film : ne plus se sentir un « imposteur », ne plus avoir à cacher ou justifier son identité de genre, surtout vis à vis de ses proches, ou avoir enfin le regard d’une femme qui se pose sur vous, vous mettant une casquette et vous appelant « jeune homme ». "A Good Man", nouveau film de Marie-Castille Mention-Schaar, habituée aux sujets casse-gueule depuis son troublant "Le Ciel attendra", prend à bras le corps le destin d’un personnage transgenre pour mieux faire de la transidentité une non-question.
Car il ne s’agit pas ici de s’interroger sur la transition, les droits ou l’absence de droits, notamment de porter un enfant tout en se réclamant Homme, mais bien de montrer qu’être un homme pour Benjamin est une bataille de chaque instant, certes injuste, mais viscérale et nécessaire. Une bataille face à moins à la société toute entière que face à ses proches. Face à une mère qui continue à vous appeler « elle », face à un ami complice qui n’avait pas forcément à être au courant et parle de « mensonge », mais aussi face à une compagne qui se sent dépossédée et lui reproche de vouloir « jouer tous les rôles en même temps » dans leur couple. Usant de symbolique légère autour d’une falaise, d’une bulle qui explose, ou d’une piscine, Marie-Castille Mention-Schaar suggère les risques liés à la décision de grossesse pour le personnage comme pour son couple.
Et c’est Noémie Merlant ("Portrait de la jeune fille en feu", "Jumbo"), qui jouait la jeune femme tentée par le Djihad dans le précédent film de la réalisatrice, qui incarne ici Benjamin. Transformée physiquement, elle habite littéralement son personnage, exprimant malaise, espoirs et souffrances, avec une infinie luminosité dans le regard. Bien entendu certains militants ne manqueront pas de dire qu’une personne transgenre aurait mérité d’avoir le rôle, mais le métier d’acteur consistant avant tout en l’investissement dans un personnage qui n’est pas soi-même, on peut aussi se dire que la bataille sera sans doute gagnée lorsque des personnes transgenres pourront aussi être engagées indifféremment pour jouer des personnages cisgenre. En attendant, "A Good Man" réussit un portrait nécessaire et bouleversant de quelqu’un voulant à la fois rendre heureux sa compagne et être avant tout lui-même.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur