ANYTHING FOR JACKSON
Satanisme du troisième âge
Audrey et Henry ont perdu leur petit-fils et ils ne parviennent pas à remonter la pente. Ils sont prêts à tout pour qu’il revienne. A absolument tout…
En compétition au festival de Gérardmer 2021, "Anything for Jackson" détonne. Magnifiquement réalisé, ce film met en scène deux protagonistes inédits, aussi bien dans le cinéma d'horreur que dans le cinéma dramatique : un couple d'un certain âge qui s'aime et qui est prêt à tout, même à se frotter au diable. En effet, Audrey et Henry s'aiment. Ils s'aiment malgré tout ce qu'ils ont vécu, et aussi bizarre que cela soit, c'est l'amour qui motive leurs actions. C'est l'amour qui les pousse dans la quête effrénée d'un ouvrage millénaire qui leur permettra de ramener leur petit fils disparu. C'est l'amour qui leur donne l'idée de kidnapper une jeune femme pour lui voler son bébé. C'est l'amour qui les poussera jusqu'aux dernières extrémités. C'est l'amour qui les unit et qui les porte. C'est aussi l'amour qui les a perdus, l'amour pour une fille disparue et l'impossibilité d'avancer. L'amour pour un petit fils qui est entré au fond de leur cœur, et qui est parti en en emportant un morceau. En effet, malgré toute leurs exactions, ils ne feront jamais du mal gratuitement. Leur but est simple, et d'un certain côté, noble : ils ne cherchent ni le pouvoir, ni la puissance, ni la gloire ou la renommée. Eux, tout ce qu'ils veulent, c'est Jackson.
"Anything for Jackson" a ainsi l'intelligence de créer des personnages réellement novateurs, portés par un casting sublime. On notera également la performance de Josh Cruddas, dans le rôle du terrifiant conseiller Ian, et de la très juste Konstanina Mantelos, dans celui de Shannon Becker, respectivement le sataniste auprès duquel nos deux petits vieux préférés prennent conseils lorsque les choses tournent au vinaigre et la jeune femme enceinte qu'ils ont justement kidnappée pour faire d'elle le vaisseau dans lequel pourra s'incarner leur petit Jackson chéri.
Pour filmer cette horreur intime nourrie d'une détresse profonde, qui conduira tout de même les deux protagonistes à invoquer un suppôt de Satan et de nombreux fantômes plutôt violents et amateurs de gore, Justin G. Dyck a recours à des trésors de mise en scène, allant des top shot aux longs plans séquences se détournant de la violence qu'ils filment, comme si elle était insignifiante.
"Antyhing for Jackson" est ainsi une grande réussite, presque de bout en bout. Une réussite d'écriture, de mise en scène, de photographie et de jeu. Un grand film pour ce cru 2021 de Gérardmer. Peut-être le film le plus novateur de la sélection ? Vraiment, ce film, c'est du satanisme comme vous ne l'avez jamais vu. Terrifiant, peut-être pas, mais votre peau risque de frissonner plus d'une fois, et vos yeux se mouilleront peut-être un peu.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur