RED POST ON ESCHER STREET
Lettre d'amour au cinéma
Pour retrouver la fougue de ses premiers films, Kobayashi, un réalisateur, décide de lancer un grand casting de non-actrices pour son nouveau projet. La ville se retrouve placardée d’affiches et les jeunes femmes intéressées doivent remplir une petite fiche et la poster pour pouvoir candidater. Les emails sont interdits. Kobayashi va ainsi être confronté à une diversité de jeunes japonaises plus ou moins saines d’esprit lors des castings…
Parfois, le cinéma sert à réfléchir sur le cinéma. Parfois un film est une lettre d'amour qu'un auteur tend à son art. Parfois un film veut saisir l'air du temps et part à la rencontre de ses contemporains. Parfois, un film fait tout cela, avec un brin de malice, un brin d'autodérision et il se passe un petit miracle. C'est un peu long, c'est complètement foutraque, ça crie et ça part dans tous les sens, il serait impossible de faire une chronologie sensée de ce qui se passe dans ces deux heures et demie, mais on peut dire une chose : c'est magique ! Bienvenue dans le nouveau film de Sion Sono, "Red Post on Escher Street".
Ce film est à la fois doux et amer, piquant et caressant, foutraque et malin. Il évolue selon ses propres codes, sa propre compréhension. Sono Sion n'hésite pas à perdre son spectateur dans des digressions qui n'apportent pas grand chose à l'intrigue, mais qui sont pourtant savoureuses et que l'on ne manquerait pour rien au monde. Il semble presque impossible de se dire qu'un homme seul est derrière cette œuvre hybride dans laquelle il se passe tellement de choses. Plus d'une fois on se demande comment ont été écrites ou mêmes filmées ces scènes qui reconstituent le véritable fonctionnement du cinéma et à la réalité parfois complètement absurde, qui dépasse ainsi toutes les fictions du monde.
"Red Post on Escher Street" est un film qui s'adresse autant à ceux qui connaissent l'industrie de l'intérieur qu'aux cinéphiles de tout poil. Cette œuvre ouvre les portes de la fabrication du septième art, donnant à voir les tours et les détours, les différents acteurs et les jeux de pouvoirs qui ont court avant que le rideau ne se lève et que le film se fasse. Ce film est également un hommage à la création artistique en elle-même et s'interroge sur le statut de la muse, et l'idée de sa possible réincarnation. C'est également un film qui questionne sur la responsabilité de l'artiste et la relation qu'il peut entretenir avec son public et avec son art. Aussi intellectuel que jouissif, ce film pourrait s'apparenter à l'une des créations sous acides de la Beat Génération. À voir absolument, ne serait-ce que pour le savoureux passage sur les figurants.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur