FRÈRES D’ARME
Le cliché du drame à la française
En France depuis une quinzaine d’années après qu’ils aient fuient les Balkans, Emiljan et Stanko se sont toujours promis d’y retourner. Lorsque leur oncle sort de prison, celui organise enfin leur retour, mais Emiljan ayant trouvé l’amour ne souhaite plus rentrer, au grand damne de son frère Stanko…
Premier long métrage de Sylvain Labrosse, également crédité à l’écriture (en coopération avec d’autres scénaristes), "Frères d’arme" est un drame contant l’histoire de deux frères ayant fui les Balkans après un terrible évènement de leur enfance, ainsi que leur rupture lorsqu’Emiljan, l’aîné, annonce qu’il ne veut plus rentrer au bercail lorsque alors que l’occasion se présente enfin. Et ce qui aurait pu être un drame familial bien ficelé, se révèle finalement très décevant, assez banal, voire même cliché par moment, ceci malgré un contexte un poil plus original que la plupart des productions françaises du même type.
Là où le bât blesse le plus, c’est certainement sur l’écriture et la psychologie des personnages. Si Emiljan, le personnage principal est justement relativement développé, tous les autres ne le sont qu’en surface, en faisant des personnages qui, s’ils ne tombent pas complètement dans le gouffre narratif du personnage fonction, sont quand même au bord du précipice, et ce même pour le frère, Stanko. Ce dernier point est assez dommageable, car finalement, si on comprend qu’il vit dans une certaine nostalgie qui est la raison de son obsession du retour, on ne nous présente jamais vraiment réellement ce qui l’attache autant à son pays d’origine et à sa vie d’avant. Surtout que le film ne les montre pas tellement comme ayant eu un statut social ou financier plus important que celui qu’ils ont en France. Du coup, ce qui est la thématique principale du film et qui devait être son moteur narratif et émotionnel principal, à savoir la confrontation entre les deux visions des deux frères, tombe complètement à plat au vu d’un déséquilibre de l’exploration psychologique entre Emiljan et Stanko. Le premier étant clairement défini, là où le second laisse simplement le souvenir d’un personnage souffrant d’un trouble de la personnalité borderline.
C’est d’autant plus incompréhensible comme traitement, que le personnage de l’oncle, en théorie plus anecdotique dans le récit, est mieux exploré et expliqué que le frère. D’ailleurs, tant qu’on est sur l’oncle Larkos, ce dernier pose problème dans la narration. Si son arrivée introduit de nouveaux enjeux et que son arc narratif est loin d’être inintéressant, il phagocyte beaucoup trop ce qui devait être le moteur principal du film, la rivalité entre les deux frères. Pire encore, tout un pan de l’histoire, lié à lui, à savoir le trafic de moteurs qu’il organise avec l’aide d’Emiljan, n’a aucune réelle conséquence narrative, dans le sens où il ne modifie aucunement les rapports de force entre les personnages une fois son parcours achevé. Comprenons-nous bien, cet arc narratif amène bien un certain dénouement et n’est donc pas particulièrement mal conçu en soi, mais tout ce qui se passe après aurait très bien pu avoir lieu sans tout cela, reléguant ce passage à une simple péripétie (qui plus est qui n’a pas de véritable rapport avec la thématique principale du film).
Si l’écriture accuse quelques défauts, la réalisation elle est de très bonne facture, avec une lumière qui dessine assez joliment l’image et surtout une interprétation de la part des acteurs plus que convaincante, constituant probablement le gros point fort du film. Au final, "Frères d’arme" nous laisse un sentiment assez divisé, le film ne semblant pas trop savoir sur quoi se focaliser : la confrontation entre les deux frères ? Le retour de l’oncle ? Les secrets d’enfance et de famille ? Le tout finit par mal s’accorder et donne un sentiment de lassitude et de cliché du drame français, là où l’idée d’origine était plus intéressante et aurait pu être mieux exploitée. Dommage.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur