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AU CRÉPUSCULE

Un film de Sharunas Bartas

Sous un ciel de plomb

Au moment où la Lituanie vient à peine de sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la liberté n’est pas encore acquise pour sa population, la misère croissante des paysans et l’emprise de l’occupation soviétique prenant toujours plus d’ampleur. Résidant dans un village isolé en pleine campagne, le jeune Ounté s’engage alors dans le mouvement des partisans, désireux de faire résistance…

Au Crépuscule film

Découvrir un nouveau film de Sharunas Bartas nécessite un petit instant de préparation. Chez ce cinéaste radical, considéré comme le chef de file du cinéma d’auteur lituanien, il y a en général la garantie d’une austérité filmique en béton armé, qui immobilise au lieu de faire vibrer, qui plombe au lieu de stimuler. Et quand bien même le bonhomme a parfois fait en sorte de rendre son radicalisme plus accessible que d’habitude, que ce soit en incarnant un gourou flippant dans "Pola X" de Leos Carax ou en lorgnant du côté du thriller mafieux avec son intéressant "Indigène d’Eurasie", ce souci d’épure et de complaisance qui caractérise son style narratif et visuel n’est pas de ceux qui invitent le spectateur à rentrer de plein fouet dans un dispositif de mise en scène aussi fort qu’évocateur. On aurait presque envie de dire que Bela Tarr passerait presque pour un cousin lointain de Michael Bay en comparaison, mais bien sûr, ce serait très exagéré. Et hélas, avec un sujet malgré tout très intéressant (la résistance de la Lituanie d’après-guerre alors qu’elle subit l’occupation soviétique), "Au crépuscule" n’est pas le film qui fera varier d’un iota le système Bartas.

Construit sur une série d’allers-retours entre une maison de paysans pauvres – où viennent s’installer des soldats soviétiques désireux de récolter l’aide financière pour le régime – et un groupe de résistants qui s’organise en pleine forêt avant de s’entre-déchirer, le film fait du contexte géographique et saisonnier – la campagne hivernale – son principal argument de vente. En gros, il fait froid, on parle peu parce qu’on n’a pas grand-chose à dire, on prend la pose parce qu’on n’a rien à faire, et quand des gens parlent, on prend soin de laisser plus de cinq secondes entre chaque réplique afin de remplir le vide (le dernier film de Céline Sciamma faisait de même). L’image, elle, ne vibre jamais : une avalanche de plans fixes et mornes dont seul le travail sur la profondeur de champ réussit parfois à faire illusion. Et question symbolique, Bartas assèche son propre film en s’en tenant à du factuel, ne comptant ainsi que le vol de deux oiseaux dans le plan final pour jouer la carte du signifiant (eux, ils sont libres, alors que les humains sont à terre : oui, merci, on avait compris…). Même les multiples tensions résidant entre les résistants – avec les suspicions et les exécutions sommaires qui en découlent – ne suscitent qu’une indifférence polie, Bartas ne réussissant jamais à animer son cadre et à imposer autre chose qu’une grisaille ambiante, proche de la sinistrose. À ce stade-là, on a décroché depuis longtemps.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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