MON COUSIN
Un peu de folie douce…
Tous les cinq ans, Pierre est contraint de revoir son cousin Adrien. Des retrouvailles qui ne lui font pas plaisir : non seulement ils sont très différents (Pierre est PDG d’un grand groupe familial, Adrien est un doux rêveur très maladroit et instable), mais l’un a besoin de la signature de l’autre pour que les 50% de la société que chacun possède puissent être conservés. Mais voilà, ce jour-là, Adrien décide de passer du temps avec Pierre et de retarder la signature autant que possible. Le voyage d’affaires ne sera pas de tout repos…
À la simple annonce de l’existence de ce film, on se disait déjà « Oh non, pas lui ! ». Après avoir assisté aux fourvoiements respectifs de Xavier Gens ("Budapest"), de Fred Cavayé ("Radin !") et de Florent-Emilio Siri ("Pension complète"), voilà que le génial Jan Kounen allait se retrouver lui aussi aux commandes de ce qui s’apparentait à une comédie consensuelle avec stars bankable, écriture en pilotage automatique et formatage pour le prime-time de TF1. Quand bien même l’écriture du projet était nourrie dès le départ à la sensibilité de Kounen et de son acteur principal Vincent Lindon (également coproducteur de la chose), on restait sur la défensive. On se trompait. Ou plutôt, on visait mal. Quand bien même le résultat se révèle prévisible au possible et relativement convenu en matière de ficelles narratives, il ne fait aucun doute que le réalisateur écolo-chamanico-punk de "Blueberry" et de "99 F" a su faire sienne une intrigue moins orientée sur la comédie que sur l’émotion et le décalage. Torpillage revendiqué ou volonté d’aller au-delà des clichés ? Chacun jugera, mais on s’est déjà fait notre petite idée…
Concrètement, on aurait un peu de mal à qualifier "Mon Cousin" de « comédie » ; le film n’est pas spécialement hilarant, la déconne trashouille qui caractérisait "99 F" répond ici aux abonnés absents, et les quelques percées comiques que le film ose à intervalles réguliers s’inscrivent dans la lignée d’un Francis Veber correct – on sent bien que "L’Emmerdeur" a été une source d’inspiration. Alors, où est-ce que le film gagne de précieux points ? D’abord sur la caractérisation d’un tandem de cousins on ne peut plus antagonistes, sur le front desquels les rôles de l’adulte responsable et du pot-de-colle gaffeur ne sont pas toujours bien collés (le plus fou des deux n’est pas forcément celui que l’on croit). Avec, en plus, un penchant très Kounen dans l’âme pour la folie douce, qui fait du lâcher-prise un argument d’épanouissement et de zénitude, souvent au contact de la nature (la fibre écolo est au rendez-vous), parfois au contact du danger (exemple : un constat sur le danger d’un vol en avion n’est pas forcément à mettre sur le compte de la paranoïa). On savoure ainsi un film qui, sous couvert des codes du buddy-movie, invite à laisser de côté le compartimentage social et tout ce qui l’entoure (le PDG borné et le zinzin écolo sont ici logés à la même enseigne) pour en revenir simplement à l’humain, adapté à son espace naturel et épanoui dans ses aspirations existentielles. Un propos simple et rassurant qui ne fait pas de mal en ces temps troublés.
Pour autant, notre cousin Kounen réussit-il à intégrer là-dedans son art du montage sous acide, du plan-séquence vertigineux, du décadrage tordu et des acteurs en état second ? La réponse est oui. Par le biais d’une caméra hyper-dynamique, vivante et toujours en mouvement, qui ne laisse jamais le temps de s’ennuyer, la narration impose une fluidité à toute épreuve, avançant à contre-courant du renoncement scénographique qui caractérise 95% de nos comédies hexagonales. Et bien sûr, fidèle au décalage qui caractérise sa filmographie, Kounen se lâche dans les percées surréalistes et fantasmatiques, laisse une liberté totale à ses acteurs (Vincent Lindon et François Damiens habitent leurs rôles à la perfection, tandis que le trio Noé-Kounen-Dupontel nous rejoue le caméo carcéral de "9 mois ferme" !), et s’autorise même un tacle relié à son dégoût de l’association entre le cinéma et le pop-corn (un tacle discret mais repéré !). Au bout du compte, même avec une carence en poilade et un récit sans grande surprise, "Mon Cousin" est bien un film de Jan Kounen, avec une dose d’émotion pas négligeable et bien gérée. On s’en contentera largement.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur