RELIC
De la chair à la putréfaction
Accompagnée de sa fille Sam, Kay se rend dans la maison isolée de sa mère Edna suite à l’annonce de sa disparition. Lorsque celle-ci réapparaît soudainement et sans aucune explication, les deux jeunes femmes remarquent que son comportement a changé et qu’une présence invisible semble rôder dans la maison…
Commençons par le plus évident : oui, "Relic" fait très peur. C’est déjà la première raison qui donne envie de garder précieusement le nom de sa jeune réalisatrice dans un coin de notre cortex. Rien que pour son aptitude à construire par l’image et le son une atmosphère énigmatique où la peur paralyse autant que l’ambiguïté sous-jacente des scènes, Natalie Erika James marche ici dans les pas d’une glorieuse lignée de cinéastes qui, de Nicolas Roeg à Ari Aster en passant par John Carpenter et Nacho Cerda, ont su bâtir des mises en scènes terrifiantes qui tendaient de plus en plus vers l’irrespirable. Les cartésiens purs et durs peuvent donc se préparer à souffrir : comme pour faire en sorte que son intrigue se laisse contaminer de la même façon que ses trois héroïnes, la réalisatrice choisit très intelligemment de laisser l’origine de la « malédiction » dans une zone de non-dit, de chuchoter plutôt que d’expliciter, de véroler lentement plutôt que de secouer violemment. Ce genre de peur, c’est la vraie. Pas celle d’un train fantôme où l’on veut juste créer un sursaut, mais celle qui titille tout ce qui est de l’ordre du refoulé ou de l’indicible. D’où le fait que cette accumulation de bruits sourds et d’ombres furtives, rattachée aux trouilles les plus évidentes qui soient, ne soit ici que la couche de protection d’autres angoisses, bien plus intimes et terrifiantes.
On en relève une en particulier, symboliquement élevée en tant que thématique centrale du film : la fin de vie, ou du moins l’horreur de la sénilité, dont le film se veut presque une sorte de parabole horrifique en huis clos. Trois générations de femmes prennent donc ici place dans une maison isolée, contexte de cohabitation où un mal insidieux qui frappe l’aînée finit par transformer l’habitation en dédale putréfiant et infernal. Reposant sur un système de sous-entendus, la narration de "Relic" tend vers une abstraction qui, à bien des égards, est à la fois sa force et sa faiblesse. Sa force parce qu’elle transforme le film en piège, en rébus à décoder, en structure onirique qui semble réclamer quelque chose d’effroyable pour achever sa logique démoniaque (la logique du jeu vidéo "Silent Hill" n’est jamais bien loin ici). Sa faiblesse parce que la réalisatrice, visiblement consciente de tenir un concept moins large que prévu, semble parfois faire du surplace en allongeant inutilement certaines scènes ou en répétant des détails déjà assimilés. Il faudra donc attendre sa superbe scène finale, réconciliation entre tendresse et monstruosité, pour saisir l’intérêt central de "Relic" : traiter la putréfaction mentale et corporelle sous un angle symbolique, et confronter le spectateur à cette peur universelle qu’est la disparition d’un proche. Natalie Erika James : retenez bien ce nom.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur